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Gazette nationale ou le Moniteur universel, 5 mars 1848

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Gazette nationale ou le Moniteur universel
5 mars 1848


Extrait du journal

ont occupé la place réservée au Gouvernement provi soire. Les efforts de la garde nationale ayant été impuis sants à les faire retirer, M. Pagnerre, secrétaire général du Gouvernement provisoire, qui avait été chargé de la direction de cette grande solennité, s’est avancé vers eux et leur a adressé ces paroles : . « Citoyens, « Les affections de la famille, quelque saintes qu elles soient, doivent faire place aujourd hui aux grandes affeclions de la patrie. Les parents que vous avez perdus, les l enfants que vous pleurez, morts pour la République, sont avant tout les fils de la République. C’est à elle à glorifier leurs funérailles. Laissez-nous, laissez au Gouvernement provisoire la pieuse mission d'exprimer à la fois les an goisses de la douleur privée et le sentiment profond de la reconnaissance et de la douleur publiques. » A ces mots, maîtrisant leur légitime douleur, les pa rents des victimes, avec une résignation touchante, se sont retirés pour faire place aux membres du Gouverne ment provisoire. Les membres du Gouvernement provisoire se sont placés sur le terre-plein de la Bastille, les cris de Vive la République ! ont longtemps empêché M. Dupont (de l’Eure) de se faire entendre. Lorsque le silence a été réta bli, le vénérable président du Gouvernement provisoire a prononcé les paroles suivantes : « Citoyens ! «Je suis profondément affligé d’avoir à porter la parole devant vous pour l’objet qui nous rassemble. Personne plus que moi ne désirerait payer aux malheureuses victi mes, aux izloi ieuscs victimes de notre belle et dernière révo lution le témoignage de la reconnaissance qui leur est due; mais, je ne le puis, mes forces ne me permettraient pas de me faire entendre. Plusieurs de mes collègues du Gouver nement provisoire se proposent de le taire, et ils vous di ront plus dignement que moi quelle est la grande et dou, lourcuse solennité qui nous rassemble au pied de ce mo nument. Qu’il me soit seulement permis de déposer celle couronne de lauriers et d’immortelles sur les cercueils de veux qui vont bientôt reposer près de nos frères morts en 1830 pour la liberté ! Vive la République ! » De vives et unanimes acclamations éclatent aussitôt ; le cri de Vire la République', retentit de toutes parts. M. Crémieux,membre du Gouvernement provisoire, a pris ensuite la parole en ees termes : « Citoyens, ' « Voilà le soleil de la République ! il vient, dans toute sa majesté, répandre les flammes d’en haut sur ces grandes et glorieuses funérailles ; il vient proclamer luimême au milieu de nous l’immortalité de nos frères morts pour la liberté. (Vifs applaudissements.) « Heureux, citoyens, heureux ceux qui meurent pour la patrie, surtout dans notre France reconnaissante ! leurs noms seront impérissables, et les souvenirs de la posté rité les rappelleront à nos derniers neveux. « Il n'a pas fallu moins, citoyens, que trois révolu tions successives pour conquérir enfin celte République objet de tous nos vœux et de toutes nos espérances. Que ne faudra-t-il donc pas de reconnaissance, quelles émo tions n éprouverons-nous pas en parlant de ceux qui viennent de faire la dernière conquête, et d’assurer à noire France la République qu elle a proclamée, et que nous, ses premiers élus, nous avons proclamée naguère au nom du peuple souverain? (Bravo! bravo ! Vive la République!) « Ce peuple, citoyens, nous l’avons vu bien des fois à l'œuvre dans le demi-sècle qui vient de s’écouler; nous cro> ions l’avoir connu ! eh bien, nous ne savions pas en core tout ce qu'il valait ; il a fallu ees trois dernières jour nées pour nous montrer dans l’éclat le plus vif tout ce qu’il y a de patriotisme, d’ardeur du bien publie, de soif de la liberté, dans ces hommes qui sont morts derrière nos glorieuses barricades, et qui ont assuré l'établissement delà République. « Ils ont aussi un drapeau les hommes de notre peuple ! Nos soldais suivent avec enthousiasme le drapeau delà gloire. Savez-vous quel est le drapeau que suit notre peuple ? Son drapeau, c’est une idée ; celte idée, c'est la liberté, et pour conquérir cette idée, il meurt, et quand il est mort, la reconnaissance publique s’écrie : Honneur aux héros qui sont morts pour conquérir la liberté ! (Bravo ! bravo !) « Citoyens, en 89, on prenait ici la Bastille ; en 1830, on nous donnait cette colonne en commémoration des trois grandes journées dont on a voulu depuis effacer le souvenir; aujourd’hui, en 1848, nous avons fondé la Ré publique! Voilà la gradation. (Bravo! bravo!) C’est le dernier combat, espérons-le, citoyens; nos derniers ne veux viendront dans cette enceinte, en rendant hommage à ces héros morts pour nous, proclamer leurs noms et s’écrier : Honneur à eux, car ils ont assuré pour jamais à la France le Gouvernement républicain ! (Oui ! oui ! — Vive la République'.) L’orateur, s avançant vers le caveau funéraire : « Citoyens qui reposez dans cette tombe glorieuse, que notre voix pénètre jusqu’à vous! Qu’il faudrait d’éloquence pour répondre dignement à l'émotion de ce peuple im mense, qui vous a poursuivis de ses longues acclamations. Ce que ma faible voix ne peut pas dire, que l'acclamation publique le dise : Honneur à vous, hier nos frères, aujour d’hui nobles martyrs de la liberté sainte ! Honneur à vous, immortels fondateurs de notre immortelle Répu blique! (Applaudissements prolongés.) « Chez les peuples anciens on cite quelques hommes qui se sont dévoués pour conquérir la liberté de leur pays. « En France, à Paris, c’est tout le peuple qui se sou lève; ce peuple si plein de générosité, si bouillant de cou rage, animé d’un si pur patriotisme ; repeuple qui, le lendemain de la victoire, reprend paisiblement ses occu pations, comme pour nous dire : J’ai fait lu liberté, c’est à vous de la consacrer! (Bravo! bravo!) « Oui, chers amis de 1848, oui, chers amis de la Ré volution de juillet 1830, chers amis du peuple qui vous pleure et vous exalte, vos noms seront sacrés pour nous, ils se graveront dans nos cœurs, ils entretiendront au mi lieu de nous l’amour de la République ; nous vous porte rons, tant que nous vivrons, le culte le plus saint, et à chaque anniversaire de ce jour, ceux qui seront à la tête...

À propos

Fondé en 1789 par Charles-Joseph Panckoucke (1736-1798), éditeur de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, La Gazette nationale ou Le Moniteur universel fut pendant plus d'un siècle l’organe officiel du gouvernement français.

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