Extrait du journal
Londres, 3 janvier. Jamais il n’y aura eu autant d âpreté mêlée à autant de sang-froid dans une crise ouvrière, que dans la lutte engagée entre les patrons et les ouvriers mécani ciens en Angleterre. Voilà bientôt trois mois que lagiôve dure et il serait malaisé de vouloir en prédire la fin ; car, depuis l’origine, la question en litige a complète ment dévié de son point de départ. Au début, il s’agissait d’une question d heu res de travail ; actuellement, il s’agit de savoir si charbonnier est maitre chez soi, si un patron est maître dans son usine. Deux faits graves, toutefois, se soni pro duits, en ces derniers jours, qui pourraient bien ne pas être sans influence sur l’issue de la campagne entreprise de part et d’au tre. Consultés sur l'ultimatum posé par le syndicat des patrons, les syndicats des ouvriers de l’industrie métallurgique, par 54,935 non contre 1,041 oui, ont refusé de reconnaître au premier le droit exclusil de déterminer les conditions de travail dans les usines et, par 42 080 non contre 8,515 oui, repoussé l’offre à titre de com promis de la semaine de 50 heures d’atelier. L’entente provisoire entre les délégués des ouvriers et les délégués des patrons, de ce lait, se trouvait donc rompue, et des deux côtés on n’avait plus qu’à se préparer à une lutte sans merci. l)u côté des ouvriers, on a procédé sur l'heure à une manifestation destinée à impressionner vivement les esprits. Les délégués des quarante-trois trades-unions les plus importantes du Royaume-Uni, et représentant environ 1,250,000 ouvriers,se sont réunis avant-hier et, pour afürmer leur solidarité avec les grévistes et leur donner les moyens de poursuivre la lutte, se sont engagés à faire souscrire, partons les membres de leurs syndicats respectifs, 30 centimes par semaine, ce qui permet trait aux mécaniciens de continuer la grève. On calcule que cette souscription pro duira 625,000 francs par semaine, ce qui, avec de larges prêts sur les fonds de ré serve de certaines de ces Tradcs-Unions, permettrait de prolonger de longms se maines encore la résistance. Il y a un peu de trompe-l’œil dans celte manifestation; car si les patrons y répondent par de nouveaux loch ont, les ressources annon cées diminueront en même temps que les ventres affamés à pourvoir deviendront plus nombreux, mais elle n’en indique pas moins à quel degré la majorité des classes ouvrières, de l’autre côté de la Manche, entend la solidarité et comprend toute la valeur des intérêts engagés. D’ailleurs, elle ne pouvait manquer de causer une impression profonde sur l’opi nion très alarmée du coup qui est porté à l’industrie britannique. S’il fallait en croire le secrétaire des associations de pa trons mécaniciens, la plus forte partie des sommes envoyées aux grévistes britanni ques serait fournie par des industriels du continent, désireux de se débarrasser d’une concurrence gênante. Nous n’en croyons rien, mais cela permet de montrer à quel point les esprits sont montés pour que de pareilles fables puissent trouver créance chez des hommes sérieux. Le second fait auquel nous faisons allu sion plus haut est la déclaration du prési dent de l’association des mécaniciens, qu’ils auraient reçu des lettres de grands industriels du nord de l’Angleterre et de l’Ecosse proposant d’ouvrir leurs ateliers aux conditions suivantes : t° Réduction des heures de travail sans réduction de salaire ; 2° Tous les salaires actuels seront main tenus ; 3° Le droit des ouvriers de discuter tou tes questions touchant les conditions de travail par l’intermédiaire de leurs délé gués sera reconnu ; ■ Ces ouvriers devront abandonner quelques-unes de leurs prétentions et, notamment, laisser le travail libre aux ouvriers non syndiqués qui seraient de mandés par les patrons. Il y aurait peut-être là un terrain d’en tente ; mais il serait prématuré d’en con clure, comme nous l’avons dit en com mençant, à une paix prochaine, et cela d’autant plus qu'après enquête l’asso ciation des patrons mécaniciens déclare qu’il est absolument faux que certains Industriels d’Angleterre et d’Ecosse aient décidé de rouvrir leurs ateliers. La question de l’Afrique occidentale, un moment considérée comme la plus aiguë, semble passer au second plan. L’Inde, également, est, pour le moment, d’impor tance secondaire. Au contraire, les affaires de Chine sont de nature à inquiéter le gouvernement anglais. Pendant longtemps la Grande-Bretagne considéré la Chine comme une espèce de chasse réservée, comme un marché sur lequel elle avait une espèce de monopole. La conquête du Tonkin par la France a été le premier coup porté à la prépondé rance britannique, et les Célestes ont ainsi appris que la Grande-Bretagne n’est pas la seule puissance dont le bras soit assez long pour atteindre jusqu’en Chine. Puis est venuelallussie que les Célestes avalent cru négligeable parce qu’ils ont obtenu, il y a quelques années, la rétrocession du Kouldja. Au lendemain de la guerre, la Russie...
À propos
Fondé en 1789 par Charles-Joseph Panckoucke (1736-1798), éditeur de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, La Gazette nationale ou Le Moniteur universel fut pendant plus d'un siècle l’organe officiel du gouvernement français.
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