Extrait du journal

Non seulement les Salons annuels ne profitent pas au public, mais ils nuisent à son éducation artistique. Ils lui faussent le goût et l'entraînent à des erreurs de jugement qu'explique sans l'excuser la double cohue des exposants et des visiteurs. Au Salon, le malheureux public est comme le taureau précipité de l'ombre dans l'arène flamboyante, il va tout de suite aux couleurs voyantes — et d'abord au rouge. Tout tourne autour de lui et tout poudroie; le plus cousu d'écarlate et d'or fixe son trouble, et il fond sur lui, entre tant d'ennemis, pour choisir. Je mets en fait, car je le constate chaque année depuis vingt ans, que l'éclat est la seule esthétique du public en fait de peinture. S'il en a une autre, c'est la dimension de la toile qui la lui donne. Or la dimension n'est pas plus ici la grandeur que le rouge n'est le coloris, et, le Salon fini, les bonnes gens s'en vont encore une fois dupés par l'énorme cabotinage de ce concours d'épatement....