Extrait du journal

Elles ont raison: nous sommes des gamins, et l'on ne nous prend pas au sérieux. C'est l'originalité de nos fiançailles. Lorsque Robert est venu à la maison pour me demander, mes parents lui ont accordé ce qu'il demandait, comme une chose de nulle importance. La demande subséquente des parents Jauffre n'a pas été réglée selon l'étiquette, et vraiment j'aurais eu des doutes sur la réalité de cette comédie, si le ton mielleuxdes acteurs ne m'eût révélé qu'ils se haïssaient déjà les uns les autres, comme il est d'usage entre alliés. Les deux pères affirmèrent gravement qu'il n'y avait qu'à souscrire, « puisque ces enfants s'aimaient ». Je pense qu'ils voulaient dire : « Laissons-les jouer au petit mari et a la petite femme; un beau iour,ce jeu les ennuiera. » On -échangea les paroles avec une facilité qui trahissait la mauvaise foi. On n'eftleura qu'à peine la question d'intérêt, avec toute sorte de pudeurs et d'excuses : des gens pour qui les écus ne comptent pas n'auraient pas fait mieux ni plus naturellement. Mais je les connais bien tous les quatre. Enfin.maman m'a déclaré, presque sanspériphrase (et cela m'a choquée au dernier point) que je ne devais pas m'avancer trop avec mon fiancé, vu qu'on ne sait jamais ce qui peut survenir. Moi, je sais bien ce qui arrivera, plus tôt qu'on ne pense : mon mariage s'accomplira, et, comme d'ordinaire, environ deux ou trois, mois avant l'époque actuellement fixée pour la célébration....