Extrait du journal

Elle, c'est une douce vieille, plutôt grasse, plutôt négligée, indolente et molle, toujours a demi-vêtue, toujours coiffée à la six-quat'-deux, mais d'un abandon agréable sous ses peignoirs mal ceinturés, et la chevelure abondante et belle avec ses mèches blanches, folles et frisées en flocons naturels. Ses yeux, d'un bleu très tendre, ressemblent à des pervenches fanées. Sa bouche, au pli un peu mélancolique, a gardé les dents de devant, encore blanches assez pour rappeler qu'elles durent paraître de resplendissants grêlons de nacre. Sa peau, débuée, déteinte, lavée par l'âge, et par lui toute fripée aussi, toute froissée de mille petites rides qui se croisent en hachures, a l'air d'un vélin très usé, dont la pâte aurait été pétrie de pâles roses mortes. Et elle-même, la douce vieille ne semble pas vivre beaucoup plus qu'une pâle rose. On dirait qu'elle végète, vaguement somnolente, et bercée à des rêves confus et légers, des rêves de fleur en qui s'éteint la sève languissante et agonisent les derniers furtiÇg souvenirs des vieux avrils depuis longtemps abolis....