Extrait du journal

Perdus, le ventre en avant et la barbichette optimiste. C’est une bonne farce. Mais les meilleures plaisanteries tournent à l’aigre en se prolongeant. Pour mériter le respect, il ne suffit pas de s’envelopper dans les hardes de Louis XIV, ni de dormir sous ces plafonds peints. Il n’est pas de réforme possible tant que les Français resteront dupes des faux-semblants, des masques et des oripeaux volés. Il faut habituer les pe tits enfants à voir leurs maîtres comme ils sont. Les mamans doivent dire à leurs pe tits garçons : < Tu n’es propre à rien, tu seras député. » Ou encore : « Quand on fait pipi par terre, on n'est plus bon qu’à entrer au Sénat. » Les images d'Epinal nous montreront la vie du petit Gustave refaite à la lumière des événements contemporains. 1. Le petit Gustave n’obéissait pas à sa maman. Il était méchant, mal élevé et di sait des gros mots. 2. Le petit Gustave ne travaillait pas à l’école. Il était paresseux et faisait des far ces cruelles à ses camarades. 3. Le petit Gustave est refusé à ses exa mens. c’est la honte de la famille. 4. Devenu grand, le petit Gustave fait son service militaire. Mauvais soldat, il est constamment puni et vole la caisse de la compagnie. 5. Le petit Gustave vit à Paris de métiers indistincts qui vont du tapage à l’escroque rie. Sa bonne mère essaie en vain de le ra mener au bien. 6. Roulant sur la pente du déshonneur, le petit Gustave est engagé par un député pour l’assister dans sa campagne électo rale. 7. Gustave injurie, ment, s’enivre. 8. Le patron de Gustave est élu. 9. Le patron de Gustave s’enrichit en tra fiquant de son mandat, en vendant des per mis de séjour, des décorations et des remi ses en justice. Gustave s’enrichit avec lui. 10. Gustave a toute honte hue. Il devient l’ami de policiers, de chefs de cabinet, de sénateurs. Il tutoie plusieurs ministres. 11. Dans une élection partielle, Gustave est à son tour élu député. 12. Au comble du désespoir, son malheu reux père se suicide au charbon. ■ ■ ■ Il faut renverser les idoles. J’imagine que cela ne sera pas très difficile : les événe ments ont déjà bousculé les socles. Et puis le public prend goût aux vérités. M. C. Piron vient d’écrire un Art de gérer et de défendre sa fortune (1) qui, dans ce do maine spécial, témoigne d'un notable pro grès de l’esprit public. Ces ouvrages sont généralement documentés et rébarbatifs. M. Piron a su être clair et coulant. Mais surtout, il a eu le courage de réviser les notions reçues et de secouer les vieilles ré putations. C’est le manuel du mouton en-...