Extrait du journal
Il déjeuna en silence couché sur un lit de roses. Quatre paons l'éventaient de leurs ailes brillantes et vingt-deux chambellans l'entouraient, prêts à rire s’il faisait un mot. Enfin, il parla : — Mes amis, dit-il, savez-vous à quoi sert le ministre de l'Economie nationale ? Les vingt-deux chambellans s'étaient pré parés à tout, mais pas à cela. — A quoi sert le ministre de l'Economie nationale ? répéta le premier, sentant la salive se dessécher dans sa bouche. — Oui, faquin; oui, butor, à quoi sert le ministre de l'Economie nationale ? A quoi je sers enfin ? Répondez. M. Patenôtre, devenu rouge, semblait au bord de l'apoplexie. — A quoi sert Monsieur 7 A quoi sert Son Excellence ? disaient les chambellans dont la tête s'était vidée. Et ils voulaient de 'toutes leurs forces, de toute leur application, de toute leur énergie trouver quelque chose afin de conserver leur gagne-pain. — A quoi sert Monsieur ? A quoi sert Monsieur ? Le bruit se répandit jusque dans les anti chambres, la chambre, les cuisines et le cabi net. — Le singe veut savoir à quoi il sert, répétaient les marmitons en se donnant des tapes sur les cuisses, et dans les sous-sols on entendait de grands éclats de rire. Dans la salle du haut, le silence se pro longea longtemps. Puis M. le ministre eut une crise de rage. Il ordonna de bétonner les chambellans et de suspendre leur chef au grand mât de son yacht. Enfin il poussa la porte du salon qui était rempli de financiers, de banquiers, de coulissiers, de cambistes et de marchands. — Je ne vous demande pas à quoi je sers. Mais si vous ne le savez pas, je vais vous l’apprendre. Qu'on aille offrir mon arbitrage aux croupiers ! , .■ • R, Les pourparlers durèrent huit heures, une heure par croupier, car huit d'entre eux avaient été renvoyés par la direction et le syndicat exigeait qu’ils fussent réintégrés. Absorbé par la défense des intérêts corpo ratifs, le secrétaire^félégué n'exerçait plus lui-même sa noble profession. Mais en sou venir de ses premières armes, il portait un veston à poches cousues et, quand il avait réfuté les objections de l'adversaire, il faisait le geste de ramasser les mises. Il parla avec éloquence, peignit en termes élevés la misère du prolétariat-croupier, évoqua la faucille et le rateau et démontra que sa cause était celle de l'honneur et de la justice....
À propos
Anticommuniste, profasciste, antisémite et positivement favorable à Hitler, Je suis partout est le journal d’extrême-droite le plus violent jamais publié en France. Si violent que son directeur Arthème Fayard, fondateur des éditions Fayard, décide dès mai 1936 de cesser sa parution. À sa mort en novembre 1936, le journal est toutefois relancé par son fils et Pierre Gaxotte, futur membre de l’Académie Française.
En savoir plus Données de classification - patenôtre
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