Extrait du journal

l’amour d’une tigresse. 4e. PARTIS. CHAPITRE VI. La situation de M. de Rochebrune s’était empirée. Thérèse , pensaitil , dont les sentimens avaient été contenue jusque la, leur laisserait prendre dorénavant un plus libre essor. Il faut si peu de temps pour que l’esprit d’une femme passe de la plus profonde ignorance des choses de la vie à leur appréciation intuitive 1 Dès ce moment ses exigences s’accroissent toujours en raison du nombre de ses craintes. De là vint la nécessité pour Ernest de multiplier les précautions pour que sa con duite pût échapper à la tendre inquiétude de ta femme. Il savait en même temps qu’a la plus petite dérogation de sa ligue habituelle, Georgina laisserait éclater dans toute sa véhémence une jalousie qui ne s’arrêterait devant aucune considération «le scandale. Déjà, en plu sieurs circonstances futiles, où rien absolument ne pouvait justifier Mue pensée soupçonneuse, elle avait passé avec rudesse de la plainte à l’emportement. — Vous êtes froid et préoccupé, Ernest, prenez garde à ce que vous faites; si jamais vous me trompiez, malheur à vous et malheur à elle I Je n’accepterais pas la honte de votre dédain sans vengeance ! Je ne perdrai pas toutes mes illusions , toutes les joies de mon cœur «ans tuer les mêmes joies et les mémos illusions chez celle que vous oseriez me préférer. Thérèse avait pour elle le prestige d’une union sanctionnée par tout re qui est autorité et force dans les saintes fictions sociales. Ernest portait au fond de tou âme une sorte de respect pour les droits légi times de sa femme, mais eu même temps il sentait bien que l’entrai nement qui le conduisait vers Georgina ne pouvait être combattu ; ainsi, de ces deux femmes , entre lesquelles Us circonstances plus fortes que sa volonté l'avaient placé , nulle ne pouvait espérer un bon heur complet sans que la douleur de l’autre en lût la conséquence. Il y avait pour lui une source de pénibles idées dans cette négation à la quelle aboutissait sa vie... Il y pensait souvent, et, comme loue ceux qui marchent vers un abîme, Eroest s'appesantissait longuement sur les dangers de sa position ; mais il ne voyait que des obstacles autour de lui qui l'empêchaient de changer de route , et il continuait de mar cher en avant... alors c’était au mouvement et aux commotions nei» veoses qu’il aboutissait pour s’étourdir. Avec le temps , se disait-il, Georgina sera moins exigeante. 'I hérèse peut-être n’habitera plus Paris; je serai libre jd'une façon ou de l’autre; le temps...