Extrait du journal

voit s'allonger deux traces parallèles laissées par les pieds du faucheur. Parfois dans les pàquis, de derrière une haie lleuglc une vache, ou bien, vers les proches Dans un cri rauque, a tire d’aile, un pivert fuit. Puis tout se tait. Pas une feuille ne remue. Kl seul, du fond des prés, à travers l'herbe drue, l.e large vol de faux se balance et bruit. De temps en temps, le faucheur s’ar rête pour aiguiser. Après avoir essuyé la lame avec une poignée d'herbes, il lire du fourreau de bois, qu’il porte à la ceinture, la pierre couleur d’ardoise qu'il trempe dans l'eau, et il fait chanter la faux en la frottant de ce rude archet. Parmi les faucheurs, les uns aiguisent sans se relever, la tête de la faux posée sur le sol, et la lame dressée oblique ment à la hauteur du genou, les autres plantent l’outil sur son manche, et aigui sent debout, la lame devant la poitrine. Cette dernière posture vous a une largeur et une majesté où l’autre n’at teint pas. L’aiguisage à la pierre ne suffit pas toujours; quand l’herbe est dure, quand la faux a rencontré des pierres, il faut l'affiler de nouveau en la martelant. Sons un arbre prochain, ou, à la mai son, sons « la loge », le faucheur plante sa petite enclume et, assis par terre, penche sur la faux il la frappe minu tieusement avec un marteau aux lèvres fines. Une faux bien battue est une faux neuve, mais ce n’est pas lèi non plus un travail de « gagnant » et il faut y avoir l’œil et la main. ...Ils s’en reviennent des prés, à la tombée du soir ; ils marchent entre les haies, les uns derrière les autres, la faux sur l'épaule, et, dans leur dos, la lame se recourbe, à la façon d'une aile mal attachée. Parfois, la lueur du cou chant touche l’acier poli, et y accroche un bel éclair couleur de sang... Louis Mercikr....