Extrait du journal
mandement de l'armée de Verdun. Verdun semblait alors perdu. Je re trouvais le chef, toujours droit, tou jours calme, intact comme ces chênes sans roulure malgré le temps, que les tempêtes n’ébranlent pas, parce que leurs racines puisent la sève dans cet empire des morts qui est notre passé historique. C’était le même port qui semble hausser la taille, le même visa ge grave, avec une expression plus triste et plus humaine. L’attitude révé lait, sans que lui-même s’en doutât, car il a horreur de l’affectation, cette majesté qui s’ajoute au pouvoir et le symbolise. Malgré moi l'émotion du souvenir se mêlait à l’émotion présente et la similitude des situations s’imposait si impérieusement à mon esprit que je ne pus me tenir de la rappeler : — Monsieur le Maréchal, je vous revois à Verdun. Vous avez sauvé Verdun, aujourd’hui c’est la France. Il sourit de ce sourire désabusé à qui la réalité est toujours sensible, mais presque tendre comme pour conjurer le malheur : — La tâche est plus lourde, me répondit-il, et j’ai vingt ans de plus. Ces vingt années ne lui ont pas fait plier les épaules. Cependant, il me montrait l'amoncellement des difficul tés extérieures et intérieures : les clauses de Wiesbaden à exécuter, la France coupée en deux et devant garder son unité, les innombrables réfugiés à rapatrier, la démobilisation à accomplir, les transports à organiser, les destructions des voies et des villes à réparer, et tout l’édifice national à refaire. — Nous avons vu tant de villages de la Meuse détruits par la guerre, Monsieur le Maréchal. Aujourd’hui, il n'y parait plus. Il leva sur moi ses yeux clairs, sur pris de ma confiance. Et il commença de bâtir la maison française. Il la fonderait sur la famille, la cité, la corporation, la province. Il lui donne rait une constitution nouvelle avec un pouvoir exécutif et responsable et le contrôle d’une Chambre unique dont le choix échapperait aux erreurs du suffrage universel. Il choisirait un personnel nouveau animé d’un pro fond amour pour la patrie. Enfin, il referait l’éducation et protégerait la terre. La terre, c’était la durée et l’école, c’était l'avenir. Je l’écoutais en silence et je voyais monter l'édifice dans la lumière. Bien tôt, il n’y manquerait plus que le bouquet sur la toiture. Un instant, nous avions oublié la douleur du temps. — Vous voyez bien, Monsieur le Maréchal, acquiesçai-je enfin. Avec mélancolie, il sourit encore : — Le verrai-je ? Mais cela sera. Il voulut me raccompagner jusqu’à ma voiture, comme si ma visite l’avait ramené en arrière, vingt-quatre ans en arrière, au temps de la victoire coûteuse et sanglante de Verdun. Henry BORDEAUX, de l’Académie Française....
À propos
Fondé en 1861 à Roanne sous le nom de Nouvel Écho de la Loire, l'hebdomadaire devient en 1864 le Journal de Roanne et revendique une ligne éditoriale « régional et patriote ». Toutefois, le journal collabore avec les Allemands sous l’Occupation et est en conséquence supprimé en 1944.
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