Extrait du journal

A la vérité, cette manifestation est un peu tardive. Badois, Wurtembergeois et Bavarois sont partis allègrement pour la * guerre franche et joyeuse », tout comme les habitants de la Poméranie et du Brandebourg. Peu de temps auparavant, j’avais vu les Souabes acclamer frénétiquement le Kaiser, dont le buste, encerclé de rubans aux couleurs impériales, trônait dans les vitrines, masquant l’effigie délaissée du roi de Wurtemberg. A cette époque, on croyait encore, dans tout l’empire, à la conquête du monde. « Deutschland aber ailes. » On obéissait passivement aux mots d’ordre venus de la Wilhelmstrasse, et l’on ne trouvait pas mauvais que les contingents royaux ou grand-ducaux fussent fondus dans le moule uniforme dont ie modèle était fabriqué à Berlin. Les Bavarois avaient remplacé la chenille de leur casque par le paratonnerre. Eux et les autres s’étaient laissé assimiler sans protester, le pas de l’oie s’était universalisé et les soldats du Sud le pratiquaient avec la même raideur automatique que ceux du Nord. Il existait encore des monarchies normalement distinctes, mais dont les gouvernements avaient abdiqué leur indépendance et étaient réduits à l’état de simples vassaux. Quand la ruée fut décidée, ils s’y jetèrent tous avec la même frénésie et les mêmes appétits goutons....