Extrait du journal
mens de Sofia le point de départ d'une ère nouvelle: Le mot ne semble pas trop gros, au moins pour l'empire russe ; durant les derniers mois de 1886, cet empire a modi fié ses relations avec l'Allemagne, ceci peut n'être que temporaire, et avec la Turquie, ceci pourrait bien être perma nent. Nous savons aujourd'hui que l'axe de la triple alliance, situé à Berlin, a brusque ment fléchi du côté de la Russie. Cette alliance a une image bien exacte dans l'attelage national des Russes, la troïka; un fort cheval trotte au milieu, maintenant deux bêtes plus légères qui galopent sur les côtés et tendent sans cesse à diverger. Suivant le train de chacune d'elles et les accidens de la route, on voit tour à tour l'un de ces auxiliaires se serrer contre le cheval de brancard et tirer d'ensemble avec lui, tandis que les traits se relâchent entre eux et le troisième. Jusqu'ici, la Russie figurait ce flanqueur inutile et sou vent gênant; voici qu'elle tire avec l'AlleI magne ; c'est l'Autriche qui s'écarte et ne fait plus corps. Depuis 1870, vous com prendrez dans quel dessein je rappelle cette date, on n'avait pas revu un accord aussi complet entre les deux empires du Nord ; et celui qui a tous ses intérêts en Orient ne s'est jamais senti Tes mains aussi libres. Un moment, la Russie avait soupçonné l'Allemagne d'inspirer, ou tout au moins d'appuyer la politique récente du Cabinet de Vienne, qui n'est pas pour plaire à celui de Saint-Pétersbourg. De là une certaine hésitation dans les rapports des deux gou vernemens ; et dans les manifestations de l'opinion publique, delà colère, des menaces, l'inévitable appel aux ressentimens fran çais. Maintenant, après les explications échangées avec Berlin, le gouvernement est revenu de cette prévention; elle subsiste encore dans l'esprit de la masse, mais sous le règne actuel cet esprit n'influe en rien sur les événemens. Ceux qui les dirigent ont confiance dans les paroles reçues. Quelles que soient les éventualités dans le reste de l'Europe, aujourd'hui comme il y a seize ans la Russie officielle les con templera d'un regard indifférent, sinon même d'un regard satisfait. Ces éventua lités ne pourront que lui rendre plus facile son action séparée, tournée exclusivement vers l'Orient. Voilà une vérité désagréable, mais qu'il faut redire bien haut, à cette heure où chacun fait son examen de con science et le calcul de ses forces : la moin dre erreur d'appréciation à cet égard serait inexpiable. Je sais bien que le langage de la presse peut donner le change. Elle ne s'est pas beaucoup émue de l'avertissement du Messager officiel, qui l'invitait à cesser ses attaques contre l'Allemagne ; les journaux de Saint-Pétersbourg s'y conforment d'as sez mauvaise grâce, ceux de Moscou ne s'y conforment pas du tout. Mais il ne faut pas oublier, et c'est là un sujet sur lequel je voulais depuis long temps appeler votre attention, les changemens profonds amenés par le nou veau règne dans la condition de la presse russe. Le lecteur d'Occident n'est plus fondé à y chercher, comme autrefois, des indica tions sur la pensée gouvernementale. Jadis tout était instructif dans les journaux de ce pays, leur silence comme leurs algara des, tant on les savait dociles à une direc tion supérieure. Depuis quelques années, ce régime est modifié ; les journaux sont livrés à eux-mêmes, sans suggestions cachées, soumis seulement à des répressions ouvertes quand ils vont trop loin. L'explication de ce que j'avance est toute entière dans un état d'esprit presque inconcevable pour un homme de nos jours; on aura peine à y croire, dans notre atmosphère saturée d'en cre d'imprimerie, et où ceux qui se disent...
À propos
Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.
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