Extrait du journal

condition n'oublie rien des journées où le verdict du juge à l'arrivée ce magistrat d'une autre institution lui a accordé la victoire. J'ai souvenir des moindres dé tails. C'était une belle journée d'automne. Le lad attaché à mon service avait ce matin là ouvert mon box avec des égards particu liers. .11 m'avait étrillé, brossé, lustré avec amour; il m'avait offert le foin le plus odo rant et l'avoine la plus capiteuse, puis m'ayant abreuvé d'un demi seau d'eau claire, il m'avait promené dans la cour, à petits pas, sous le doux soleil. Mes articulations cra quaient en se détendant après le repos noc turne; enfin j'avais retrouvé la démarche harmonieuse et souple qui sied à un crack. Mon entraîneur, tôt levé, m'avait considéré longtemps. Je l'avais entendu dire : «Al lons, je crois que nous avons une bonne chance. » On avait disposé ma crinière en nattes élégantes et j'étais monté gaîment dans le van automobile- qui m'emporta vers Longchamp. En route, je ruminais des idées de victoire en frappant les parois d'un sabot impatient. Installé dans le box de l'hippodrome, je ne pensais plus qu'à l'instant du départ où, emportant mon cava lier minuscule, je me hâterais vers le poteau d'ans la volupté sauvage de la course. » L'œil inquiet, les flancs en sueur, les naseaux frémissants, je hennissais et je frappais à droite et à gauche. Mon lad sif flait doucement. Pour m'apaiser je léchais tour à tour la mangeoire et les murs démon écurie, à petits coups de ma langue rose. » Messieurs vous savez le reste. J'ai gagné et on m'a distancé. On a recueilli la bave joyeuse de mes lèvres. Des savants ont prétendu qu'elle recelait des alcaloïdes. J'ignore ce que signifie ce terme inconnu. Mais je proteste avec indignation. Jamais je n'ai pris qu'aliments bons et utiles. Un cheval n'est pas un homme ; il a le souci de sa condition, on ne lui fait pas avaler n'importe quoi. Et quand même j'aurais absorbé un cordial avant l'épreuve, je vous le demande : où serait le mal? J'ai vu dans ma carrière des lads ivres d'alcool, et des entraîneurs dont le gin avait teint la face en bai cerise. J'ai connu des jockeys illustres qui jamais ne se mettaient en selle sans être gorgés de whisky. Jamais je n'ai en tendu dire qu'ils aient été disqualifiés. Ce qui serait usage courant pour les hommes, serait donc interdit auy chevaux.? Est-ce la façon d'améliorer l'espèce chevaline ? Alors pourquoi ne pas faire de même pour les humains ? Je proteste. Je suis aujourd'hui un cheval désintéressé. Retiré des luttes du turf, je me livre aux seules et douces joies de mon état. J'ai changé de mission en ce monde et je ne m'en plains pas. Mais je veux demeurer pour ma descendance le gagnant de la Coupe-d'Or. Messieurs vous ferez justice. J'ai confiance en vous et je vous salue respectueusement. » BONBON-ROSE ». Pour copie conforme : FERNA-ND DE BRTNON....