Extrait du journal
PARIS, S JANVIER. Ua dépoté, M. Jollivet, vient de pnblier un livre tort curieux «urle système éleetoral anglais, depuis l'aete de réforme, com paré au système électoral français. Ceux qui ne voient dans la ques tion d'un bon système électoral qu'une question de chiffres, né manquent pas de nous jeter à la tète le million d'électeurs que pos sède l'Angleterre. Un million d'électeurs, voilà un chiffre magni fique-! Oui, mais dans ce million d'électeurs combien y a-t-il de votes indépendans? C'est ce qu'il faut voir dans le livre de M. Jol livet. Sont-ce des électeurs que ces paysans irlandais qm votent comme le veut leur curé, sous.peine de damnation éternelle? Sont-ce des électeurs, que ces pauvres diables qui vendent leur suffrage pour deux cochons gras ou une paire de souliers neufs ? Sont-ce des électeurs, que ces fermiers dont la voix est assurée d'avance au candidat de leur propriétaire? L'acte de Réforme a corrigé beaucoup d'abus, [sans doute; mais l'acte de Réforme n'a pas pu donner de l'indépendance et des lumières à ceux qui, par leur position même, n'en ont pas. Depuis l'acte de Réforme, comme avant, de très graves plaintes se sont élevées dans le Parlement sur la corruption des élections, et un député de Londres apu dire devant la Chambre des Communes : « Jetez les yeux sur votre corps s électoral ,«.et vous apercevrez qu'une quantité notable de vos » électeurs, la moitié au moins, seraient très mal fondés à pré b tendre que leurs votes sont indépendans. » H est vrai que ce sont ces abus mêmes qui conservent à la grande propriété et à l'aristocratie une immense influence sur les élections. L'Angleterre a un million d'électeurs, et c'est pour cela qu'elle n'a d'éligibles que ceux qui peuvent dépenser des sommes énormes pour se faire élire. Le revenu qu'on exige chez nous d'un député représente à peu près en capital la somme qu'un candidat 'anglais a besoin d'avoir àsa disposition pour couvrir les frais de son élection. La différence, c'est que chez nous le candidat ne fait que montrer sa cote de contribution ; il garde le fonds que repré sentent les 500 fr. d'impôt exigés; c'est souvent le plus clair de sa fortune Un candidat anglais le dépense. On peut juger par-là de la différence du cens réel. Réduisez de la moitié ou même des trois quarts cet admirable million d'électeurs ; élimmez-en tous ceux qui n'ont pas de vote à eux, tous ceux qui pensent forcément comme leur curé ou leur propriétaire ; avec beaucoup moins d'é lecteurs vous aurez infailliblement une loi d'élection beaucoup plus démocratique. Ce sera une révolution complète dans les institu tions de la vieille Angleterre. Des mains de l'aristocratie et de la grande propriété la puissance passera dans les mains de la classe moyenne. Oler à l'aristocratie son patronage, c'est lui ôter tout. Mettez d'un côté un corps électoral parfaitement indépendant, où les lords n'auront tout juste que leurs voix, et de l'autre une aris tocratie ne conservant de sa vieille puissance que ses titres, ses im menses richesses et ses sièges enviés dans la Chambre des Pairs , ne voyez-vous pas qu'une guerre va s'établir, dans laquelle l'aristo cratie finira infailliblement par succomber ? Ainsi le million d'électeurs de la Grande-Bretagne est précisé ment la dernière base sur laquelle s'appuie encore l'aristocratie .anglaise. On voit par-là combien c'est avec raison que les ennemis -de notre syslème électoral lui reprochent sa parcimonie comparée à la libéralité du système anglais! Ce qui fait la force de la démo cratie chez nous, c'est qu'elle est organisée dans la classe moyenne, classe intelligente, tenace, jalouse au plus haut degré de ses droits et capable de les défendre avec suite. Plus bas vous trouverez des passions qui s'exaltent aisément sans doute, mais qui se refroidis sent plus aisément encore; une impétuosité aveugle qui renverse tout dans un premier moment, et puis qui s'amortit et s'éteint pour Jong-lemps. Avec des masses d'électeurs prises dans les dernières classes, on [met un pays en révolution, on renverse des trônes et des Constitutions. Avec ces mêmes masses aussi, quand la chaleur...
À propos
Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.
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