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Journal des débats politiques et littéraires, 8 septembre 1892

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Journal des débats politiques et littéraires
8 septembre 1892


Extrait du journal

voit, la prohibition légale est étendue au travail de nuit des femmes et des filles mi neures de seize à vingt et un ans, cette réglementation nouvelle s'appliquera sans difficulté. Mais il n'en est pas moins vrai que, dans un certain nombre d'industries, le travail de nuit est une nécessité, et que, si on en exclut les femmes, cel les-ci devront être remplacées par des hommes. Il n'en est pas moins constant, le rapport dont nous parlons le reconnaît, que, dans certains cas, les femmes em ployées à ces travaux de nuit ne s'en plai gnent nullement et regretteraient fort d'être privées de ce moyen de subsistance. Ainsi pour le travail des imprimeries et le pliage des journaux : « Cette industrie, dit Inspec teur de la 8e section, dure toute l'année ; le travail est fait pardes femmes, chaque nuit, de 2 à 5 heures ou de 3 à 0 heures. Les femmes occupées à ce travail sont toutes majeu res. Beaucoup demeurent fort loin ; quel ques-unes à une heure de l'atelier qui les occupe. Elles ne s'en plaignent pas, trou vant ce travail relativement lucratif... Le plus grand nombre de ces femmes se con tentent du gain produit par ce travail. Leur besogne faite, elles rentrent chez elles, se reposent et s'occupent de leur ménage. » On se demande de quel droit le législateur interviendrait pour interdire à des femmes majeures, car c'est bien de cela qu'il s'agit actuellement comme on l'a vu par les récentes délibéra tions de la Chambre et du Sénat, de ga gner leur vie par un mode de travail au quel elles sont accoutumées, dont elles s'accommodent et qu'elles pourraient peut être difficilement remplacer par un autre. Le législateur, quand il prétend impo ser de pareilles restrictions à la liberté du travail, fait exactement ce qui est si justement reproché au Congrès des socialis tes de Tours : il opprime et il accable les travailleurs sous prétexte de les protéger. C'est assurément là une bien fausse et bien inhumaine philanthropie. Du reste, si de pareilles mesures sont approuvées ou réclamées par les socialistes réunis en Con grès, surtout quand il s'agit pour eux, comme à Tours, d'écarter une concurrence gênante, il arrive aussi que ces mêmes socialistes jugent à leur valeur les réglementations et les lois qui restreignent le travail sans assurer le salaire. Le rédacteur du Figaro, qui se livre en ce moment à une vaste en quête sur les questions sociales, affirmait hier avoir recueilli, à Roubaix, sur ce sujet, des déclarations bien significati ves, et c'est, à l'en croire, avec souverain mépris que les ouvriers de cette région parlent de tout ce fatras législatif qui ne peut avoir d'autre effet que de donner aux travailleurs « la liberté de crever de faim ». C'est ce genre de liberté que le Congrès de Tours voudrait octroyer aux femmes ma riées en même temps que la jouissance des droits politiques. C'est aussi à cela que doivent aboutir toutes les lois, soi-disant protectrices, qui n'ont pas pour principe le respect de la liberté humaine dans ce qu'elle a de plus inviolable et de plus sacré : la liberté du travail....

À propos

Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.

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