Extrait du journal

en France ; il continue à porter le plus vif intérêt aux divers incidents du procès, et, afin de mieux en juger, il est parti pour le chef-lieu du départe ment d Ille-et-Vilaine. Seulement, il ne consacre plus ses loisirs'à étudier les allées et venues des témoins-illustres ; il ne s'amuse plus à suivre tel ou tel personnage de marque ; il semble avoir été pris d'une frénésie subite de locomotion, et il passe ses journées dans les tramways. Dès qu'il arrive à la station terminus d'une voiture, il monte aussitôt dans une autre voiture. Parfois, il refait en sens contraire le chemin qu'il vient de parcourir dans un sens. Et il se montre d'une loquacité intarissable. Dès qu'un voyageur s'as sied à côté de lui, il entame la question litigieuse de la culpabilité ou de l'innocence de Dreyfus ; il cite des faits, raconte des anecdotes, invoque la bonne foi de ses interlocuteurs ; en un mot, il organise de petits meetings ambulants que le flegme des Rennais empêche de devenir tumul tueux, et qui constituent une distraction char mante pour les habitants de la paisible ville. Les tramways de Rennes, au mois d'août de l'an de grâce 1899, auront probablement été les derniers salons où l'on cause. Ils marqueront une date dans les annales de la société française. Des gens mal intentionnés prétendent, il est vrai, que la robe de ces excellents abbés dissimule mal "la redingote légendaire des agents de police; quelques-uns affirment, d'autre part, que les deux professions ne s'excluent pas, et ils insinuent qu'il pourrait bien y avoir là on ne sait quelle conspiration ténébreuse du cléricalisme, qui ne feindrait de se mettre au service de la justice, de la vérité et. du gouvernement, que pour mieux étrangler en bloc les uns et les autres. On ne sait jamais. L'astuce de Loyola dépasse l'entende ment humain. Peut-être s'apercevra-t-on un jour que la Dame Blanche n'était que le Père Du Lac, habilement grimé pour accomplir, à l'insu de tous,ses œuvres infernales. MAURICE SPRONCK....