Extrait du journal

Les économies Pendant la première année de guerre, l'Etat nous vendait d'admirables allumettes qui ne cassaient jamais, et qui prenaient toujours ; c'étaient des allumettes anglai ses. Durant la seconde année, il nous en ' vendait de bonnes; elles cassaient peu, et elles prenaient souvent: c'étaient des allu mettes suédoises. Celles qu il nous vend maintenant cassent toujours et ne prennent jamais: ce sont des allumettes françaises, "des allumettes de l'Etat qui les fabrique lui-même. C'est une satisfaction pour un bon ci toyen de penser qu'il enrichi l le Trésor chaque l'ois qu'il frotte une allumette, et cette satisfaction serait grandement accrue si, à force de frotter ce petit morceau de bois, il lui arrivait dé temps à autre de | ! réussir à l'enflammer. Ce surcroît de bon heur lui échoit trop rarement. Aussi le public s'était-il habitué ' sans peine aux allumettes anglaises ; il les a vues dispa raître avec un vif regret. Comme il est pa triote, il a sacrifié volontiers son plaisir et sa commodité aux intérêts de la défense nationale; quand les économistes lui curent démontré qu'il importait de ré duire nos achats au dehors, il sinclina avec une docilité d'autant plus méritoire qu'elle était sans illusions. Depuis que l'Etat a pris en mains la fa brication des allumettes, cette fabrication est devenue si défectueuse qu'au lieu d'ex porter, comme nous le faisions au temps ;où cette industrie était exercée par une Compagnie particulière, nous devons im porter maintenant de l'étranger. Personne hors de France ne veut de nos allumettes ; nous sommes réduits à les brûler nous mêmes ou, du moins» a faire semblant. • Si accoutumés que nous soyons à ce jeu mélancolique, il ne faudrait pas abuser de notre résignation. La régie nous donne, au prix de cinq centimes; cinquante allumettes dites amorphes. Pour amorphes, elles le sont. S'il y eut jamais quelque chose d in forme, ce " sont'ces déchets de bois, de toute grosseur et de toute taille, rompus d'avance en sorte qu on n a même point l'agrément de les casser; une bonne moitié n'ont ni soufre, ni phosphore, ni explosii quelconque, et ressemblent a de petites queues de billard qui, semblables elles mêmes à la régie, manqueraient de pio cédé. Nous savons qu'en temps de guerre u convient d'accepter galamment les gênes...