Extrait du journal

Hâtons-nous, pendant qu'on ne le connaît pas encore, de prendre la défense du prési dent du Conseil de demain. Quel qu'il soit, il est un homme condamné à une prompte dé chéance intellectuelle et physique si les usa ges actuels se prolongent. Pour le soulager d'une besogne supérieure aux forces hu maines, on le dispense maintenant d'avoir un ministère spécial. C'est juste et charitable. On ne demande pas au général en chef de commander en outre une division. Mais nous vivons à une époque où personne ne fait son métier et où l'on demande à chacun de faire ce qui devrait être fait par un autre. C'est ainsi que notre président du Conseil passe ses jours et parfois ses nuits à servir d'ar bitre entre des conflits particuliers. Son cabinet est assiégé de délégations qui en appellent à son autorité pour résoudre des questions de salaires, d'embauchage, de con gédiement dont l'intérêt professionnel est grand, mais qui ne sont tout de même pas des affaires d'Etat. A une heure où les menaces de tout ordre chargent l'horizon, on s'adresse au président du Conseil pour savoir si tel ou tel article du règlement a été observé dans telle ou telié usine. Dans lès pays "bien organisés, il; n'est pas permis de' demander un renseigne ment à l'agent qui règle la circulation d'une rue. « Ne parlez pas au pilote », affiche t-on sur les bateaux. Quand il s'agit de la nef nationale, tout le monde tire le pilote par la manche. Il n'est pas étonnant qu'à ce régime les plus vigoureux soient vite excé dés, énervés, incapables d'action à force d'être privés de réflexion. A chacun son rôle. Faisons grâce au président du Conseil de demain. Qu'on lui épargne la guerre d'usure, car de cette usure le pays pâtit avec lui. A. A.-P....