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Journal des débats politiques et littéraires, 17 mai 1844

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Journal des débats politiques et littéraires
17 mai 1844


Extrait du journal

PARIS, 1G MAI. Le projet de loi relatif aux colonies, qu'a présenté le ministre de la marine, prouve que le gouverne ment a pris son parti au sujet de l'esclavage, et qu'il veut cette émancipation non moins pour l'honneur de la métropole que pour l'amélioration du sort des noirs. Ce projet est simple, comme l'est toute mesure qui a été mûrie. Il ne fait point étalage de grands principes ; il est topique : il applique les idées libérales là où elles doivent être appliquées, et dans la proportion où il faut qu'elles le soient, non sans réserver l'avenir, et au contraire en lui ménageant les voies. Le gouvernement était désarmé ; le projet de loi lui remet les pouvoirs qui lui sont indispensables pour déjouer des obstacles imprévus. La loi de 1833, qui avait institué les fran chises coloniales, avait oublié que les noirs n'avaient de refuge contre les préjugés des colons que dans l'in tervention efficace du. gouvernement. Il se trouvait ainsi qu'en donnant des droits aux blancs des colonies, elle avait, sans le vouloir, sacrifié les droits des noirs. Le projet de loi actuel répare cette omission malencon treuse ; il restitue à l'Etat un patronage dont il n'avait pas entendu se dépouiller. Il ouvre le chemin à la li berté par toutes les directions qui peuvent y conduire, par la religion, par la famille , par l'instruction, par le pécule , par la répression des violences possibles ; et tout cela en changeant quelques mots à deux articles de la loi du 24 avril 1853. Au sujet de la portée de ces changemens de rédac tion , l'exposé des motifs est d'un laconisme que nous ne blâmerons pas, mais auquel il est bon de sup pléer. En principe, le projet de loi se borne à attri buer au domaine de l'ordonnance des matières qui ne peuvent sans inconvénient cesser de relever du pouvoir exécutif ; ce sont, en effet, des sujets mobiles et variables de leur nature sur lesquels il convient de statuer à point nommé. Et pourtant il ne consacre pas d'empiéte ment de l'administration sur le pouvoir législatif; il comble une lacune qu'on ne soupçonnait pas en 1833, et que le temps a fait reconnaître. Il répond au senti ment et au vœu du législateur de 1853 , au lieu de le froisser. En ce moment la famille n'existe pas légalement pour le noir. Les esclaves ne peuvent se marier qu'avec le consentement de leurs maîtres. Les enfans tou jours le sort de la mère, et la loi ne leur reconnaît pas de père ayant pouvoir sur eux. Une ordonnance royale déterminerait désormais les conditions auxquelles les esclaves pourraient se marier sans la permission des maîtres, et fixerait les dfoits des parens sur les enfans, sauf la propriété du maître à laquelle il ne peut être touché qu'en vertu d'une loi. L'instruction religieuse et élémentaire du noir est à peu près nulle. Les édifices du culte et les écoles sont en trop petit nombre : on les multipliera. Des règlemens fixant par ordonnance les heures de travail et de repos permettront aux noirs de les fréquenter sous certaines conditions, et activeront "ainsi leur perfec tionnement moral et intellectuel. L'esclave dans les colonies françaises n'a pas le droit de rachat qui lui est accordé pourtant depuis l'origine dans les colonies espagnoles; et, l'eût-il,- il n'en saurait que faire, parce qu'on a négligé de lui réserver la chance d'amasser un pécule ; il n'a même pas le droit positif de propriété, quoiqu'en fait la plupart des maîtres le lui aient reconnu. Désormais l'esclave pourra se ra cheter; des arbitres impartiaux désignés par mesure générale régleront le prix du rachat; il sera investi du droit de pécule, et pour qu'il puisse en former un, le samedi tout entier lui sera alloué, suivant un usage qui déjà subsiste sur beaucoup d'habitations. Mais là où l'esclave a le samedi pour lui, c'est à des conditions souvent fort onéreuses, que le gouvernement a tou jours eu le pouvoir de réglementer et de modifier. C'était un droit régulier, inaliénable, imprescriptible, et l'Etat en reste encore investi. Ainsi la création du pécule et l'abandon entier d'un jour par semaine à l'esclave ne seront point des atteintes à la propriété du maître. Ces améliorations résulteront expressément de l'autorisation que le projet accorde au gouvernement de statuer par ordonnance.« sur la nourriture et l'entretien dus par...

À propos

Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.

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