Extrait du journal

» Quelquefois, m'abandonnant à ces espérances qui charment la vie d'un homme de lettres, et rêvant l'honneur d'être admis au milieu de vous", la pensée m'était venue que, parmi tant de glo rieux héritages, il serait beau d'obtenir celui au philsophe illustre dpnt vous avez voulu que je prisse aujourd'hui la place. Bienfait redoutable et auquel la plus profonde reconnaissance ne se flatte pas de s'égaler ! honneur témérairement désiré et dont je sens en ce moment le poids ! ip vous est donné, Messieurs, d'illustrer celui sur qui descendent vos suffrages; mais il n'est pas en votre pou voir de l'élever au niveau de l'épreuve que vous lui imposez. Un frand siècle, un siècle qui a conquis le monde , s'éloigne à peine e nous ;un grand philosophe, le dernier d'une génération de grands philosophes, se couche, à peine dans la tombe ;et me voici appelé à dire devant vous ma. pensée sur Gette époque immense et sur son digne représentant ! » Convient-il à des fils de juger publiquement leur père? le dix huitième siècle nous a faits ce que nous sommes. Idées, mœurs, institutions, nous tenons tout de, lui; nous lui devons, et pour mon compte, je lui porte une affection filiale. Qu'elle pénètre, qu'elle paraisse dans mes paroles, Même les plus libres ! Si nos paroles sont libres, à qui le devons-nous? Le dix-huitième siècle a fait notre liberté. Dans cette enceinte, hors de cette enceinte, partout, toute pensée qui se déploie, toute voix qui s'élève sans entrave, rend témoignage de la gloire du dix-huitième siècle et de son bienfait. Montesquieu, Voltaire, Rousseau, puissans génies, noms immor tels, nous sommes libres comme vous nous avez voulus; nous le serons envers vous-même/s; mais notre liberté vous sera le plus digne hommage, et notr-é reconnaissance montera vers vous avec l'indépendance de notre, jugement. (Sensation profonde.) » Un moment s'est rencontré, Messieurs, dans le cours de cette grande époque, qui rÀ fait éclater ses puissantes destinées. Montes quieu venait depubVter l'Esprit des Lois, et le défendait avec ce calme un peu hautain du génie blessé de la lutte et sûr de la victoire (1)....