Extrait du journal

faite à l'égard de l'établissement de la Balize, qui est indispensable au ravitaillement de la marine an glaise. Maintenant sur quoi porte la différence dans les interprétations du traité? Le gouvernement des Etats-Unis prétend que l'Angleterre est engagée d'une manière absolue non seulement à n'occuper aucun point du territoire à l'avenir, mais encore à abandonner ceux qu'elle aurait pu avoir occupés dans le passé. L'Angleterre maintient, de son côté, que le traité ne s'applique qu'à l'avenir et ne regarde point les occupations déjà accomplies, et en vertu de cette interprétation elle continue à exercer soit la souveraineté, soit le protectorat sur plusieurs points du territoire central. _ Il faudra bien du temps pour que la guerre sorte d'une pareille question. Ce qui est plus probable, c'est que le traité restera une lettre morte et sera observé par les Etats-Unis beaucoup moins encore que par l'Angleterre. Les Etats-Unis continueront à s'étendre sur le continent américain et à absor ber l'une après l'autre les populations inférieures qui les touchent. Ce n'est pas le gouvernement de l'Union qui est l'instrument de ces annexions suc cessives; quelquefois même il fait mine de vouloir s'y opposer ; mais personne, ni en Amérique ni en Europe, ae prend au sérieux une intervention qui, lors môme qu'elle serait sincère, serait impuissante. Tout citoyen des Etats-Unis est né avec la doctrine du Président Monroe, à savoir que le continent américain ne doit appartenir qu'aux Américains. En stipulant que l'Angleterre ne ferait aucun éta blissement dans l'Amérique centrale, les Etats-Unis savaient bien ce qu'ils faisaient, car il suffit que tous ces territoires restent dans les mains de leurs possesseurs actuels pour qu'ils tombent un jour tout naturellement dans celles des Américains. C'est à peu près la même position que celle où se trouvait la Russie vis-à-vis de l'empire otto man avant qu'elle l'eût perdue par une pré cipitation qu'elle doit bien amèrement déplorer aujourd'hui. Que la Turquie fût isolée de l'Occi dent et laissée à elle-même, c'était tout ce que pouvait ambitionner la Russie; à ce prix elle pouvait attendre, et attendre avec patience ; l'œu vre de déerépititude et de dissolution s'accomplis sait d'elle-même, et tôt ou tard le fruit plus que mûr serait tombé dans les mains les plus proches. C'est pourquoi la Russie a toujours eu jusqu'au dernier moment la prétention d'isoler la question d'Orient, et d'en faire une question particulière entre elle et la Turquie seulement, à l'exclusion des puissances occidentales; et c'est pourquoi aussi les puissances occidentales ont dû la con traindre par la force à ramener sur le terrain commun de l'Europe une question européenne. Ce raisonnement de la Russie, les Etats-Unis se le font à l'égard des Etats de l'Amérique centrale. Ils n'y ont à redouter que la rivalité de l'Angle terre. Que ces Etats soient laissés à eux-mêmes et au progrès naturel de leur décrépitude', et tôt ou tard la foi d'attraction, ou d'assimilation , ou d'ab sorption , les fera tomber dans l'orbite de l'Union américaine. C'est, du reste, une perspective que les Anglais eux-mêmes envisagent sans aucune illusion, et même sans aucune inquiétude. Il n'est pas aujourd'hui un seul homme doué de raison en Angleterre qui rappelle l'émancipation des colo nies américaines autrement que pour déplorer...