Extrait du journal

Le sentiment général est que M. Paul Reynaud ayant décidé après la séance de la Chambre de rester au pouvoir, va s'efforcer de justifier son choix. Il a formé une équipe contestable et contestée. La suite dépend des événements et de l'ac tion personnelle du président du Conseil. L'opinion publique n'a pas encore très bien compris ce qui s'est com biné depuis huit jours. Cela s'entend. Elle est très loin de s'intéresser aux tours d'acrobatie parlementaire. Elle ne pense qu'à la guerre, aux moyens de la bien conduire et de la gagner le plus vite possible. En quoi elle a raison. Elle conçoit donc mal ce qui est advenu. Car le problème était clair. La nation voulait un gouvernement 'de guerre. Le Sénat voulait une éner gie croissante dans la conduite de la guerre. La Chambre, du moins en majorité, voulait la même chose. Résultat : le cabinet Paul Reynaud, - encombré de six socialistes dont la présence vaut le premier jour au Cabinet une seule voix de majorité. Que s'est-il passé ? Rien ou pres que rien. Le cabinet Daladier s'étant retiré, le cabinet Reynaud se forme. II embarque aussitôt M. Daladier lui-même, dont il proclame ne pou voir se passer, il embarque la plu part des anciens collaborateurs de M. Daladier, et il embarque en ou tre les six socialistes, qui attendaient patiemment sur le quai parlemen taire l'heure d'être dédouanés. Ce sont là des aventures fréquentes en temps ordinaire. Mais en temps de guerre ? La na tion formait un vœu très simple, très clair et très raisonnable. Elle croyait qu'il était naturel. Elle attendait un gouvernement très au-dessus des partis, ayant de l'autorité et du pres tige, inspirant confiance à tous, et représentant les intérêts français, le pays tout entier. Qui assurerait Qu'elle est contente .? Elle ne perd pas courage, parce qu'elle sait qu'elle aura le dernier mot. Nous avons connu, ep 1917, des temps encore plus difficiles. Nous en sommes sortis. Mais pourquoi tou jours attendre le dernier moment pour choisir l'utile et le meilleur ? Le destin du régime est-il de ne rien prévoir et d'attendre les épreuves au lieu de les prévenir .? Il ne faudra pas très longtemps à J£. Paul Reynaud pour donner la me sure de son influence personnelle. •D'abord il sera jugé sur l'énergie qu'il mettra à combattre la propa gande et l'organisation communiste. En outre, et très vite, les événements 'diplomatiques vont lui donner l'oc casion de montrer comment il fait face aux circonstances difficiles. L'avenir du Cabinet dépend de ce qu'il saura accomplir....