Extrait du journal

Dans ce coin des Maures, autour du golfe de Saint-Tropez, illustré naguère par Signac, le ciel a disposé mille paradis pour les peintres. Le ciel est pur, mais doux et varié. Je l'ai vu un seul jour d'un bleu africain. Avant-hier, il était blanc comme du petit lait, et les formes dissoutes des choses semblaient des mirages. Au jourd'hui, il a passé au bleu pâle, un peu turquoise, avec une couronne de nuages blancs sur tout le cercle de l'horizon. Les montagnes ont des profils longs et fins. Le pin d'Alep porte sa couronne comme un atlante. Les ficoïdes font sur le sable des tapis rouges qui sentent la pomme. De Saint-Tropez à Sainte-Maxime, tout autour de la baie, les chevalets sont dres sés. Au-dessus de Saint-Tropez, Segonzac, Luc Albert-Moreau et Villebeuf habitent la villa du Maquis. Plus haut encore, la chapelle Sainte-Anne, antique sanctuaire dans les cyprès et dans les olivier-s, est un vrai atelier de peinture : l'un copie le nartliex, l'autre Un pin parasol sous lequel se voit lit nier ; le troisième choisit pour motif la campagne lointaine, les vignes et les villas rqses. A Saint-Tropez même,' airtre atelier sur le port; des peintres, collés au long des murs, voient l'arrière des bateaux amarrés; d'autres, le long du môle, copient les mêmes bateaux par tribord. La meilleure place est celle d'où l'on aperçoit, derrière les bateaux, une rue en enfilade et le clocher. A cet endroit pri vilégié, la mer est couverte de raclures de palette. Tous les murs de la chapelle Sainte-Anne, jusqu'à hauteur d'homme, en sont pareillement encluits. Ceci est écrit, pour avertir les archéologues; il est inutile . de chercher dans ces souvenirs de fin de séance des traces de l'art arabe, ni aucune influence orientale....