Extrait du journal

Une couronne sur une tombe# I. Le 11 octobre 1853, vers neuf heures du matin, une jeune fille vêtue de noir entrait dans le cimetière de Nanterre et allait s’affaisser plutôt que s’agenouiller au pied d’une tombe ornée seulement d’une pauvre croix en bois noir, sur laquelle on pouvait lire, écrite en let tres blanches, la laconique inscription suivante : Ci-git Marie-Anne Dubois, veuve Sylvestre, décédée le \i sep tembre 1853, à l'âge de 36 ans. Priez pour elle ! Cette jeune fille n’était encore qu’une enfant, car elle avait dix-huit ans à peine ; mais le chagrin et la dou leur, en la louchant de leurs doigts osseux, lui avaient donné ce charme qu’une femme n’acquiert ordinaire ment que beaucoup plus tard. Après avoir, pendant quelques minutes, donné un libre cours aux sanglots qui l'étouffaient, elle joignit les mains avec ferveur et levant au ciel deux grands yeux dont l’expression était navrante : — Ma mère, ma mère, s’écria-t-elle au fond de son cœur, pourquoi suis-je désormais seule sur la terre? Pourquoi Dieu, qui ne reprend sitôt que ceux qu’il aime, vous a-t-il enlevée à mon amour alors que j’a vais tant besoin de vous? Et pourquoi enfin nous a-t-il séparées quand j’aurais été si heureu>e de partir avec vous pour un monde meilleur? Mon Dieu ! c’est que je n’ai pas encore, comme vous, ma mère, porté assez longtemps ma croix et gravi le dur calvaire de l’exis tence, On 1 mais pourtant j’ai bien souffert déjà et je...