Extrait du journal
J’espérais me trouver ce soir au milieu de vous, J’en avais le vif désir depuis le 27 janvier, et j’y serais certainement si un gouvernement sans scrupule ne m’eût arraché à mon mandat. Le 27 janvier, la population de la Seine m’a donné un éclatant témoignage de sa confiance. Je lui en suis profondément reconnaissant Je tenais à le lui dire et à prendre vis-à-vis d’elle l’engagement d’en demeurer digne. Cet engagement, je le tiendrai en consacrant tous mes efforts à la consolidation de la République, compromise par les parlementaires. Je le tiendrai en contribuant à donner à ce pays une Constitution qui permette enfin les réformes sociales, sans lesquelles la République serait pour le peuple un leurre indigne de ses efforts. Les parlementaires ont fait de la République le gouvernement d’une classe de privilégiés qui exploitent la France à leur profit exclusif. Nous voulons en faire le gouvernement du peuple, du travailleur, du producteur, de celui auquel est due la fortune de la France et auquel jusqu’ici cette fortune profite si peu. Nos gouvernants n’ont de rigueurs que pour les petits et pour les faibles. Nous, nous voulons les protéger. C’est parce que le peuple connaît mes intentions sur ce point qu’il m’accorde, sans compter, ses suffrages. Et c’est parce que les parlementaires les connaissent aussi qu’ils accumulent contre moi toutes les accusations que l’arsenal de l’injure et de la calomnie peut leur fournir. L’élection du 27 janvier m’a vengé de toutes ces imputations calomnieuses. Elle a donné au Parti républicain national une impulsion telle que rien désormais ne saurait plus en ralentir la marche. Avant le 27 janvier, les états-majors de l’opportunisme et du radicalisme ne se faisaient aucune illusion sur le caractère de leurs attaques; ils les savaient contraires au bons sens et à la vérité. Il en était autrement parmi les simples soldats de l’armée républicaine. Il y avait parmi eux des braves gens, des patriotes dévoués, qui ajoutaient foi à ce que des ennemis systéma tiques leur racontaient de mes intentions et de celles des hommes qui marchent à mes côtés. On leur disait que je rêve la dictature, ou que je m'allie aux ennemis de la République pour leur livrer la place après l’avoir conquise. Quelques-uns le croyaient ; et, alarmés par ces accusations ridicules, ils se détournaient du Parti républicain national. Ils avaient l’horreur de l’anarchie parlementaire, mais ils craignaient que la forme républicaine ne fût menacée ; et, entre les deux maux, la continuation de l’anarchie ou la perte de la République, ils optaient pour le premier de ces périls. A Paris, ces électeurs-là n’étaient pas nombreux. L’intelligence politique est trop développée parmi vous pour que jamais on voit s'élever bien haut le chiffre de ceux dont un simple épouvantail peut influencer les votes. Mais c’est en province que le nombre de ces hésitants était le plus grand. Là, la vie est moins active ; on lit moins, on se coudoie moins, et l’électeur est plus facile à impressionner par les quelques feuilles locales qui, seules ou à peu près seules, arrivent jusqu’à lui. C’est donc le vote de Paris qui a réduit à néant toutes les légendes de mes adversaires. Paris est la ville de la Révolution, la ville de la liberté, la ville de la République. Paris a la haine du gouvernement personnel, de la dictature. En m’accordant ses suffrages, la capitale a fait justice de toutes les infamies dirigées contre moi ; elle a dissipé toutes les équivoques. Ce vote ne m’a pas surpris. Il n’a surpris aucun de ceux qui connaissent cette admirable population parisienne si clairvoyante, si foncièrement démocrate, si passionnée pour l’honnêteté, si soucieuse de ses droits méconnus par l'odieuse oligarchie qui nous gouverne. Il a ramené en même temps les timides que l’on avait détournés de moi en les trompant sur mes intentions. En présence de ce vote, toutes les terreurs patriotiques dont on s’était fait une arme contre moi, se sont évanouies, il ne reste plus à cette heure d’ennemis au Parti natio nal que parmi les doctrinaires du parlementarisme ou parmi les intéressés qui jouissent aujourd’hui de la prébende officielle et qui redoutent à juste titre de n’en plus profiter demain. Qui donc pourrait encore croire que je poursuis des visées dictatoriales, alors que deux cent quarante-cinq mille Parisiens ont voté pour moi? Qui donc pourrait encore supposer que je pactise avec les adversaires impénitents de la République, alors que le département de la Seine vient d'acclamer la politique que nous suivons, mes amis et moi? Le verdict que vous avez rendu a une portée plus haute que toutes les déclarations que j’aurais pu faire moi-même, Ge’st la consécration définitive par des républicains incontestés de nos idées, de notre programme communs. Attendez-vous cependant à voir nos adversaires dénaturer vos pensées comme ils ont dénaturé les miennes. Attendez-vous à les voir travestir vos sentiments comme ils ont travesti les miens. Attendez-vous à les entendre dire, non que je suis républicain parce que j’ai obtenu vos suffrages, mais que c’est vous qui avez cessé de l’être parce que vous me les avez accordés. Us ne s’aperçoivent pas, les malheureux, que, si leurs affirmations étaient fondées, ce n’est pas moi qu’ils condamneraient, mais bien la République. Ils ne cessent de répéter que je suis l’élu des monarchistes. Si cela était exact, il faudrait donc en conclure que la France entière se prononce pour la monarchie, puisque dans six dépar tements, et à Paris même, elle se prononce pour la politique dont je poursuis le triomphe. Ils savent bien qu’ils mentent, nos adversaires. Mais, dans leur frénésie du pouvoir, ils voudraient confondre si étroitement la République avec leurs personnes, que celles-ci en tombant entraînassent nécessairement celle-là. Ils n’auront pas cette satisfaction : à mesure que leur puissance s’effondre, la République grandit. A mesure qu’ils s’apprêtent à disparaître, la Répu blique voit, au contraire, venir à elle, sans arrière-pensée et sans réserve, un nombre considérable de citoyens dévoués et honnêtes, que jusqu’ici on en écartait systématiquement. Demain, grâce à cette union de tous les coeurs français, grâce à toutes ces mains qui se tendent les unes vers les autres dans une réconciliation générale dictée par l’amour de la Patrie, la République se trouvera assise sur une base de granit. Pourquoi faut-il que la grande œuvre que nous avons entreprise soit précédée d’une période de luttes? Il aurait été bien facile de l’éviter si chacun s’était respectueusement soumis aux décisions du Suffrage universel. L’étranger va accourir à la fête internationale à laquelle nous l’avons convié. Il eût été beau de le prendre à témoin de notre cohésion, de notre entente, de notre unité. Pourquoi faut-il que l’obstination des parlementaires nous oblige, au contraire, à le rendre témoin de nos agitations et de nos querelles? Il eût été si simple de dissoudre la Chambre comme, depuis un an, plus d’un million d'électeurs l’ont demandé par ma bouche ! Il eût été si naturel, si co nforme aux intérêts du pays, de vider nos différends avant l’Exposition î Mais il s’agit bien, pour les détenteurs du pouvoir, de l’Exposition et de son succès Mis se sont fait de laFrance un fief; ils veulent en défendre la possession jusqu’au bout. Leurs pers, leurs situations d’abord : l’Exposition, on s’en occupera si l’on a du temps de reste....
À propos
Lancée en 1888 par Georges de Labruyère, La Cocarde fut longtemps un titre dévoué corps et âme au mouvement boulangiste. Après l'écroulement de celui-ci, le périodique renforce sa ligne démocrate-chrétienne tout en rencontrant de plus en plus de difficultés financières. Plusieurs directeurs s'y succèdent, dont Maurice Barrès, mais aucun ne réussit à ranimer le périodique. Il continue toutefois sa parution jusqu'en 1938 avec un tirage extrêmement confidentiel – estimé à quelque 25 exemplaires par numéro.
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