Extrait du journal

Il a plu la veille au soir, pour la première fois depuis six mois. Et. demain, c’est la grande journée intercoloniale. Aussi, les colons ne vivent plus. S’il pleut, la fête, la belle fête, dont ils ont tant rêvé, elle est dans le lac. Un lac au bord de la mer... quelle misère ! Voyant leur inquiétude, une vieille paysanne affirme : « Si vous voulez être sûrs d’avoir du beau temps, alors promettez une omelette à saint Ebaubuche !.. » Saint Ebaubuche.. ? Quel est ce saint, ou cette sainte-là.. ? Mys tère ! On promet l’omelette tout de même... une de douze œufs !.. Ce sera toujours une famille pauvre de l’île qui en profitera. Et, le lendemain matin, les vents sont devenus « hauts ». La journée sera magnifique. Gloire à saint Ebaubuche! « Dès 6 heures du matin, une équipe de vaillants arrive, pleine d’entrain, dispose l’autel, impro vise une sacristie sous la tente. A 7 heures, le ravitaillement apparaît. U est formidable ! Dame !.. comme on dit ici, c’est qu’il y aura 350 colons à nourrir, et a abreuver, pendant toute une journée, et sous un royal soleil ! Saint Ebaubuche a bien fait les choses. Vers 8 heures, quatre colonies viennent prendre position, parmi lesquelles l’honnête Vieux-Crabe figure pour 145 colons. C’est alors la messe en plein air, dans l’atmosphère tendrement bleutée d’un beau matin. Comme fond, la mer où glissent quelques voiles blanches... Comme encens, le parfum des immortelles de la lande... Comme chant, le bruit du vent dans le feuillage aigu des pins. # Mais, voici que le prêtre parle à ces jeunes gens, qüi entourent l’autel de leurs rangs pressés. Il les félicite de leur geste. ... Us ont éprouvé le besoin de se réunir en leur joie... le besoin d’affirmer qu’ils- sont uns... ce qui est le grand désir du Christ. „ Uns, ils le sont déjà, parce que tous, bons petits Français de France, issus de la . même terre, grandis au milieu des mêmes tra ditions. ... Us sont uns encore, parce que, entre eux, existent des liens d’ami tié... ._ Tout cela est bien. Mais la grande, la solide unité, est celle qui s’établit en Celui qui est la base de tout... la fin de tout... en ce Christ qui, seul, fait les « len demains ». '... Alors, le prier... surtout eux, qui arrivent au seuil de la vie... à la croisée des chemins. ... Que le souvenir de la commu nion qu’ils vont faire, dans ce cadre de nature... dans cette église géante, bâtie par les mains mêmes du Créateur, leur soit une force dans la facticité des villes et les garde au milieu de tant de dangers qui les attendent..* La messe continue..* Les enfants chantent les can tiques qu’ils aiment. C’est l’Elévation... L’Hostie très blanche dans le ciel très bleu. Un « grand » hisse alors, au sommet de la tente, le fanion de la colonie. Le Maître est là..* Salut à ses couleurs !.* Pendant toute la journée, les colonies et les troupes scoutes vont fraterniser. Déjeuner, chants, tostes, con cours de natation, de rallye, de ballons, de forts bâtis sur la plage... concours d’élégance aussi. Les colons de Beaupréau em portent le premier prix avec un lion de Belfort, grandeur nature, sculpté, de main de maître, en plein sable, par un gaillard qui connaît son anatomie. Modestement, les Crabes ont le second prix. Ils ont sculpté un soldat tombé au champ d’honneur, et que la mer, vague par vague, vient pieu sement ensevelir. & Le'soir, après dîner, c’est le feu de camp. On le sait dans l’île. Aussi, accourt-on de tous côtés, paysans et marins sans doute, mais aussi les Parisiens. Ce gros monsieur, méfiant, dans son chaud complet gris... c’est un grand acteur de Paris... Ce petit maigre, avec une barbe de jardinier, et un lorgnon d’or vissé sur son nez pointu, c’est un membre de l’Institut. fisLte âamPj qqi êpcouyg Je...