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La Croix, 12 février 1921

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La Croix
12 février 1921


Extrait du journal

La vague de baisse ! la vague de baisse ! ! Voilà le mot que l’on a vu pendant des semaines et des semaines imprimé tous les jours en caractères de toutes les grosseurs et de toutes les hauteurs dans presque tous les grands journaux régionaux et dans les grands journaux parisiens. Je me demande vraiment si nos grands confrères de la grande presse j prennent leurs lecteurs pour des imbé ciles et veulent jouer eux-mêmes le rôle peu honorable de bourreurs de crânes ! Car enfin, où est-elle donc, la vague de baisse qu’ils nous annoncent depuis des mois ?? Existe-t-elle à Paris ? Je n’en sais rien... peut-être sur certains articles, et encore !... Existe-t-elle à Bordeaux ? J’en doute, ou alors c’est là aussi sur certains arti cles de peu d’importance. Dans tous les cas, ce qui est bien cer tain, c’est que si les producteurs ont baissé leurs prix, comme les prétendent les journalistes bourreurs de crânes, les consommateurs n’en ont guère profité jusqu’ici. -Moi, je paie le pain 13 sous la livre, aussi cher qu’il y a -six mois ; je paie le lait 20 sous le litre, comme il y a un an à pareille époque ; je paie encore à la coopérative le sucre scié quatre francs le kilo et je trouve que ce n’est pas pour rien. Je paie le bœuf généralement plus de cent sous 1a livre, le veau de six à sept francs, -le cochon sept francs, et ne mange pas de mouton, parce qu’il est trop cher. Les œufs se -payaient sa medi 6 à 7 fr. la douzaine, ce qui est beaucoup pour la saison. Le café n’a pas baissé, la chicorée n’a pas baissé. Or, dans un ménage, qu’est-ce qu’il faut acheter tous les jours ? Du pain, du su cre, du café, de la viande, toutes choses dont le prix n’a pas diminué. Si j’ai besoin de faire travailler le menuisier, le serrurier, le forgeron, le peintre, le plâtrier, le maçon, je suis obligé de cles payer de 20 à 25 francs par jour. Si j’ai besoin de solives de parquet, de modestes planches ou même de voliges, de tuiles ou d’ardoises, de moellons ou de pierres de taille, je les paie aussi cher ou même plus cher qu’à aucun autre moment de la guerre ou de l’après-guerre. L’autre jour, un de mes amis s’est fait faire un pardessus chez le tailleur d’un chef-lieu de département, il l’a payé 600 francs. Un autre do mes amis, un homme du peuple de la campagne, s’est acheté un pantalon de travail, il l’a -payé 55 francs. Il a voulu s’acheter une paire de chaussures de travail, de vulgaires brodequins, il a reculé devant le prix, qui était de 75 francs. Mais alors, où donc est la baisse ? L’autre jour, j’ai voulu me rendre compte des prix des bestiaux et me suis promené sur le foirail, et j’ai vu des bœufs destinés à la boucherie et qui n’étaient point gros comme des élé phants, et qu’on vendait de six mille cinq cents à huit mille francs la paire. J’ai vu un veau de trois mois qui, pçpr la boucherie, a été vendu 1.150 francs. J’ai vu des bœufs de__trayai 1 qui n’a vaient pas trois aïis et qui se vendaient couramment de 5.500 à 6.000 francs la paire. J’ai vu des génisses ou des vaches laitières prêtes à mettre bas, se vendre 3.000 et 3.500 francs la tête. Où donc est la vague de baisse ??? Qu’il y ait un léger fléchissement sur quelques articles, c’est possible ! Mais qu’il y ait une vague de baisse, c’est archi-faux, et ceux qui bourrent le crâne de leurs lecteurs font une mau vaise action. Il ne suffit pas de hurler : la vague de baisse ! la vague de baisse ! pour diminuer le coût de la vie. Les journa listes feraient œuvre plus utile et vrai ment patriotique si au lieu de bourrer le crâne de leurs lecteurs, ils leur di saient que la vague de baisse viendra le jour où les consommateurs consenti ront à s’imposer des sacrifices, à res treindre leurs dépenses, et le jour où les producteurs auront, par un travail acharné, augmenté la production. C’est là la vérité. Il faut la dire et la redire sans cesse. L. C....

À propos

La Croix est un journal catholique conservateur créé par Emmanuel d’Alzon, prêtre de la Congrégation des assomptionnistes, en 1880. Quotidien depuis 1883, il continue d'être publié de nos jours, dans une version bien moins partisane et religieuse que par le passé.

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