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La Dépêche du Berry, 3 avril 1938

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La Dépêche du Berry
3 avril 1938


Extrait du journal

Et ce n’est pas fini ! On pensait y voir clair, en cette fin de semaine qu’on nous annonçait comme devant être très chargée. Il parait, maintenant, que ce sera pour les premiers jours de la semaine prochaine, comme si nous avions le temps d'attendre. Au fait, qu'attendons-nous ? Les mirobolants projets financiers de M. Léon Blum, auxquels travaillent d arrache-pied, nous cit-on, ces financiers de haute lignée que sont MM. Spinasse et Vincent Auriol, sans compter MM. Mcndès-France et Georges Boris, et aussi l'équipe des « techniciens socialistes ». L’éloge de M. Vincent Auriol et de son orthodoxie financière n’est plus à faire. Quant à M. Spinasse, on sait comment il a réussi à la soidisant « économie nationale ». Peu importe, ce sont encore eux qui sont chargés de nous sortir du pétrin, ou plutôt de nous y enfoncer davantage. De quoi pourra-t-il bien s'agir, cette fois ? On parle à la fois de la monnaie, du change, des rentes et de surfiscalité. La coupe est cepen dant pleine à déborder ! Et, pendant ce temps, les grèves continuent et même s’amplifient. Toute la métallurgie est en effervescence, et, même dans les usines où le mouvement n'est pas encore déclenché, on < soviétise * du matin au soir. C’est à croire que la situation extérieure est de tout repos, alors qu’elle n'a jamais été plus périlleuse. Et que réclament donc les grévistes, ou plutôt leurs dirigeants, car on n'est toujours pas mieux fixé sur le caractère et les buts de ce singu lier mouvement ? Respect des conventions collectives et des 40 heures ; injustement des salaires, et aussi, ce qui n’est pas le moins effarant, < ouverture des frontières » ! Elles sont cependant bien ouvertes, ces frontières, puisque, en dehors du matériel et du ravitaillement qui y passent à camions répétés, les miliciens espagnols, qui en ont assez, trouvent également le moyen de la franchir pour se réfugier en France ! Alors, quoi, les 40 heures et les salaires ? Précisément, voici qu’un député S. F. I. O. de marque, M. René Brunet, ancien sous-secrétaire d’Etat aux Finances dans le précédent Cabinet, nous en parle dans un article de La France Libre, du 1" Avril — nous supposons que ce n'est pas un poisson d’avril ? — intitulé : < La production et les 40 heures ». M. René Brunet note, en tout premier lieu, que la masse des richesses produites s'amenuise d’année on année. Dans l’industrie sidérurgique, par exemple, la production mensuelle de fonte, qui était de 624.000 tonnes en février 1937 et de 701.000 en octobre, est tombée à 559.000 en février 1938. « On se demande, observe M. Brunet, à quel niveau les chiffres seraient tombés sans l'effort d’armement. » Pour la houille, la diminution de production est encore plus inquiétante : 45 millions de tonnes extraites en 1937, alors que notre consommation s’est élevée à 76 millions de tonnes. El il ajoute : < Ce que notre production déficiente ne parvient pas à mettre sur ’e marché, nous devons l’acheter au dehors. Et, ce faisant, nous ne tra vaillons pas seulement contre notre monnaie, contre sa couverture métallique, contre le Trésor de guerre déjà trop amputé, nous nous privons du moyen de distribuer à la classe ouvrière quelques milliards de salaires supplémentaires. « A mesure que la production décroît, le poids des charges finan cières et fiscales se fait plus lourd sur une masse plus restreinte de marchandises. Les prix montent. Les ouvriers voient peu à peu s'évanouir les avantages qu’ils avaient cru conquérir. Ils demandent et obtiennent les rajustements nécessaires de leurs salaires. Alors, de nouveau, les prix de revient s’élèvent. C’est le cycle infernal : il n’y a aucune raison pour qu’il s'arrête. Tout au contraire, le danger qu’il constitue grandit d’autant plus vite que la production décroît. » Nous avons déjà dit et répété ces choses bien souvent, dans ce journal ; mais il nous est infiniment agréable de les voir confirmer par quelqu’un de plus autorisé que nous, puisque ce quelqu’un a été aux prises avec les difficultés. Bien entendu, M. René Brunet ne propose pas d’abroger les 40 heures — il serait trop honni s’il avait cette audace — mais il énonce cette vérité évidente « que tout irait déjà mieux si l’on faisait partout 40 heures effectives et si on ne limitait pas étroite ment à 40 heures par semninn, ou meme à 2.000 heures par an, la durée riu travail de tous les individus, car. conclut-il, quand les richesses, au lieu d'être en excédent, sent en déficit, il ne peut être question d’amélio rer le sort de quiconque. Ce sont des sacrifices qu’il faut se partager. » Rapprochons, si on le veut bien, ce langage courageux de celui que tient M. Caillaux sur la « grande pénitence et le bain de facilité ». Est-il si totalement différent ? Et. avant de s’indigner contre le Sénat, qu’il vitupère à journée faite dans Le Populaire. M. Séverac et ’es amis de M. René Brunet ne feraient-ils pas mieux de s’en inspirer ?...

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Fondée en 1893, La Dépêche du Berry était un journal régional suivant une ligne éditoriale de centre-gauche, ou « radicale ». Il paraît jusqu'en 1944.

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