Extrait du journal

Après une semaine de laborieuses discussions et six navettes, Vhambre et Sénat ont pu enfin se mettre d’accord sur le projet concer nant la conciliation et l’arbitrage. Le Président du Conseil a dû poser la question de confiance dans l’une et l’autre des deux Assemblées, et on a remarqué que, pour la première fois, les communistes s’étaient séparés de la majorité dans certains scrutins. C’est dire que l’accord n’a pu être réalisé qu’avec les plus grandes difficultés. Dans ce chassé-croisé désordonné, il a été assez difficile de se rendre compte des points de friction, et il faudrait pouvoir dépouiller à tête reposée les nombreuses colonnes de l'Officiel pour s’en rendre compte. Toutefois, on peut conjecturer que les divergences se sont surtout affirmées sur ce qu’on est convenu d’appeler T < échelle mobile », et aussi sur l’application de la loi au monde agricole. N’ayant pas les textes définitifs sous les yeux, nous nous garderons bien d’épiloguer, mais il faut reconnaître en toute bonne foi que les deux Assemblées ont mis toute la bonne volonté et usé de la longanimité nécessaire pour arriver à une entente. De son côté, le Gouvernement s’est efforcé de concilier les contraires dans toute la mesure du possible, et il a réussi ce tour de force d’y parvenir. Que sera la loi nouvelle ? Elle sera ce que l’expérience en fera, a dit M. Camille Chautemps, et elle facilitera la conclusion pacifique des conflits sociaux. Nous l’espérons, sans, malheureusement, pouvoir y croire aussi résolument que nous le désirerions. C’est que, hélas ! nous ne voyons pas s’apaiser l'ère des conflits, en dépit de toutes les tentatives faites pour les concilier. Nous sommes loin de disconvenir que la montée en flèche des prix est pour beaucoup dans ces conflits, mais, nous l’avons déjà dit et nous devons le répéter, la « course des salaires après les prix » ne résoudra aucune des difficultés qui nous assaillent : c’est au freinage, à la stabili sation des prix qu’il faudrait s’attacher. Or, pour freiner les prix, il n’y a qu’un moyen, c’est d’augmenter la production afin de réduire le coût de revient. Plus la production sera abondante, plus les prix seront réduits et mieux sera maintenu et consolidé le pouvoir d'achat des salariés. Dans l’actuel désordre des choses, chaque tranche de hausse des traitements et salaires est dévorée, et au delà, par une tranche de hausse des prix, et ainsi de suite : c’est ce qu’on appelle « le « cycle infernal ». Cela, tout le monde le sait, mais personne ne veut prendre la res ponsabilité de proposer les seuls remèdes qui puissent être efficaces : travailler davantage pour abaisser les prix de revient. Si personne ne veut se guérir de la mystique des cinq huit qui nous conduit tout droit à la catastrophe — sans résoudre la question du chômage — c’est très bien. Mais, alors, que chacun en prenne philosophiquement son parti et accepte le sort qui lui sera dévolu. Qu’on note bien, du reste, que si l’accord a pu intervenir entre les deux Assemblées, encore que très difficilement, c’est que, à la vérité, on n’a pas voulu ajouter des difficultés à d’autres qui sont déjà trop délicates et trop pertinentes. Ce n’est pas pour rien, qu’on veuille bien le croire, que le Parlement est saisi de la création d’une Caisse autonome de la Défense nationale ! Que le Gouvernement cherche à apaiser les conflits sociaux par une forme légale de réglementation, afin de pouvoir, en toute quiétude d’esprit, porter toute son attention sur des problèmes d’un autre ordre et aussi d’une autre gravité, nul ne saurait sérieusement lui en faire grief. On comprendra donc que, dans ces conditions, certains compromis se soient imposés....