Extrait du journal

M. le président de la République vient de gracier complètement Benjamin Ro)£. , nier, ce malheureux depuis si longtemps victime d'une erreur judiciaire. Je dis « gracier complètement », car il y a des grâces qui ne sont pas complètes, qui sont même le contraire de la grâce. C'est ce qu'on appelle la grâce avec obligation de séjour aux iles du Salut ou à la Nouvelle-Calédonie. Je parle des forçats, des condamnés au bagne. Remise entière de la peine est accordée à un de ces hommes. Cela signifie-t-il qu'il va être libre, qu'il va pouvoir revoir les siens, revenir à la vie commune, essayer de se réhabiliter par le travail ? Pas du tout. Il restera dans l'enfer de la déportation, si le décret de grâce est muet sur l'obligation de séjour. C'était le cas de Benjamin Reynier. Depuis plusieurs années, sa peine lui avait été remise. Mais, en fait, il était toujours un forçat. Car l'obligation de séjour, c'est quelquefois pire que le bagne ; c'est le bagne sans le pain, sans la ration réglementaire qui empêche de mourir. Oui, le bagne sans le pain. Je trouvai ce mot dans une lettre de Cyvoct, alors qu'avec quelques confrères je travaillais à obtenir sa mise en liberté....