Extrait du journal

Ceux qui reçoivent à miséricorde, avec des risées de pitié, les mauvais écoliers qui, peut-être, montreront plus tard du génie, ceux-là soupçonnent-ils jusqu'où peut aller la terreur qu'ils inspirent ? Je ne puis m'empêcher d'évoquer ici la mésaventure tragique d'un de mes condisciples. c'était un garçon supérieurement doué, peu docile aux programmes et moins respectueux encore de ses maîtres. A un professeur adjoint qui s'était imprudemment flatté de mettre un peu d'ordre dans son casier, un invraisemblable casier où l'on trouvait de tout, des porteplume, du papier, des billets doux, du chocolat; beaucoup de tabp.c et d'alcool, et même quelques livres, il fit un jour une réponse qui ne manquait pas de grandeur. Je le revois encore pénétrant dans l'étude, son regard s'enflammant de colère à la découverte du casier épuré : « Quel est le crétin qui s'est permis de farfouiller dans mon casier ? — C'est moi, répondit le maître. — Je m'en doutais, répliqua le disciple. » La fin de l'histoire est moins drôle. Refusé, en août 1914, à son baccalauréat de philosophie, il s'engagea, aimant mieux affronter les Allemands que de retourner chez les cuistres. Les obus ne lui furent pas cléments....