Extrait du journal

ombilical incapable d'assurer le ravitaillement d'une grande armée moderne. Vers la frontière occidentale, leurs voies ferrées et leurs routes-fondrières ne sont pas d'un meilleur rendement. Face à une attaque allemande en force, s'avançant méthodiquement, les masses russes, éloignées des centres industriels, ne pourraient que résister, en s'enter- I rant comme en 1916. Certes, la Russie est défendue par ses distances démesurées et la nature de son sol. Elle absorbe toute invasion comme un sable avale une eau courante. Mais ces défenses lui sont aussi défavorables à elle-même. D'ailleurs les Allemands sont trop bien informés et ont trop d'expérience de la terre russe pour chercher à s'enfoncer au cœur du pays. Les marches frontières leur suffiraient. Et ils s'y installeraient à loisir pour préparer un nouveau bond en avant. Contre cet implacable ennemi, la Russie serait condamnée à une guerre d'usure, dont le terme ne se ferait pas attendre pour elle plus longtemps qu'en 1918. Elle durerait tout juste le temps qu'il faudrait au pays pour se désorganiser sous l'effet d'une tension que ne supporterait pas longtemps son pauvre système de communications, le temps qu'il faudrait aussi aux moujiks, en admettant que dès le début ils se soient levés avec enthousiasme, pour se dire : « Mais on nous affirmait que l'Occident était pourri. Or nous avons devant nous un mur de fer infranchissable. On nous a trompés. » Ce jour-là, le gouvernement bolchevik aurait tout juste le temps de faire ses valises....