Extrait du journal

Article premier. — L’affichage ou l’ex position publique d'écrits séditieux sera puni'd’un emprisonnement de six jours à un mois, et d’une amende de 16 à 500 francs ou de l’une des deux peines seule ment. Art. 2. — Les délits prévus par la pré sente loi seront déférés à la cour d’assises. Nous pourrions réclamer l’expli cation de ce texte obscur. Nous pour rions demander ce qu’on entend par une exposition d'écrits. Mais à quoi bon ? Quand un gouvernement ne sait plus ce qu’il fait, il ne peut plus savoir ce qu’il dit. Quand on perd la tête, il n’est pas étonnant qu’on oublie le français. Monsieur le Comte de Paris, dans sa protestation, disait : La Républi que a peur. On a contesté cette affir mation. On a déclaré que la Répu blique ne craignait rien. Or, aujourd’hui, M. le garde des sceaux avoue que la République craint l’afïichage de la protestation de Monsieur le Comte de Paris. Cette loi, dit M. le ministre, est due au manifeste de Monsieur le Comte de Paris... Nous qui sommes responsables de l’ordre républicain, nous saurons nous porter en avant pour le défendre. Voilà pourquoi nous voulons empêcher un pré tendant d’afficher sur les murs de la France quoi que ce soit d’hostile à la Ré publique. Ainsi donc on avait bien raison de dire que ce projet qui a eu pour premier résultat de faire tressaillir la vieille foi monarchique qui dort au fond du cœur de la nation fra»? çaise, on^vait bien raison de dire que ce n’émit que le commencement de la proscription ; malgré les déné gations intéressées des ministres tant au Sénat qu’à la Chambre, au cours des débats de la semaine der nière, c’est la liberté de la presse qu’on attaque aujourd’hui. On a expulsé Monsieur le Comte de Paris ; il faut le faire taire, il ne faut pas que sa parole parvienne à la France. Ensuite il faudra faire taire ses amis ; ensuite il faudra faire taire tous ceux qui trouveront qu’on va trop loin et trop vite, tous les mé contents, tous les indépendants. Voilà la liberté que donne la Ré publique ; vous savez déjà ce qu’elle a fait de la liberté religieuse ; la loi d’hier donne la mesure de ce qu’elle rêve de faire de la liberté politique ; celle d’aujourd’hui de la liberté de la presse. L’exil de Monsieur le Comte de Paris aura pour conséquence l’exil de la liberté. Le peuple, qui a tant lutté et souf fert pour conquérir la liberté, ne l’oubliera pas. Sonier-Dupré....