Extrait du journal

Viendra le jour quand même, où rien de sa foi première ne restera, rien que les regrets, le désenchantement, l’amer désespoir. Mais l’infortuné ne tombera pas du premier coup à ce néant. Son âme aura des soubresauts, des rappels suppliants et tristes du passé, même des retours, et cette page de la vie du grand sceptique n’est ni la moins curieuse ni la moins émouvante. Personne ne soupçonnait, et jusqu’à la fin personne ne soupçonnera quel drame sourd et cruel se déroulait dans le fond implacable ment fermé de son pauvre cœur malade, qui tout bas déplore son égarement en dévorant son chagrin. Non, la foi ne s’éclipse pas dans une à me aussi brusquement, dit M. Paul Bernard. Pour comprendre l’état d’âme de Gautier, ses luttes déchirantes, il faut relire quelques-unes des pages émues du poète. L’image du Christ crucifié lui arra che cette prière : Et je me dis : « O Christ! tes douleurs sont trop [vives ; Après ton agonie au jardin des Olives, Il fallait remonter près de ton Père au ciel, Et nous laisser à nous l’éponge avec le fiel ; Les clous percent ta chair et les fieurons d’épi[nes Entrent profondément dans tes tempes divines. Tu vas mourir, toi, Dieu! comme un homme. j La mort Recule épouvantée à ce sublime effort, Elle a peur de sa proie, elle hésite à la prendre. Sachant qu’après trois jours il lui faudra la [rendre, Et qu’un ange viendra qui, radieux et beau, Lèvera de ses mains la pierre du tombeau ; Mais lu n’en as pas moins souffert ton agonie, Adorable victime entre toutes bénie ; Mais tu n’en a pas moins, avec les deux vo leurs, Etendu tes deux bras sur l’arbre des douleurs. » Hélas, le cœur était faible. « La vie éperdue l’a vite ressaisi, et le doute qui...