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La Gazette, 3 septembre 1905

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La Gazette
3 septembre 1905


Extrait du journal

Un armistice a été signé hier, mais dans des conditions tout à fait inédites. Cet armistice ne sera valable que lors qu'il sera devenu sans objet Générale ment, les belligérants s’arrêtent de com battre quand l’armistice est signé ; les généraux laissent les diplomates discuter en paix; et il est admis partout, parmi les nations civilisées et les autres, qu’un armistice signé est applicable immédia tement. Les Japonais ne l’ont pas voulu Ils ont accepté l’armistice proposé par les Russes, mais à la condition qu’il ne serait exécutoire qu’après la signature du traité de paix. Le premier mouve ment des plénipotentiaires russes a été de se récrier, de protester, de refuser cet arrêt d’hostilités qui ne doit rien arrêter. Les Japonais sont rettés fermes comme un roc : Armistice, soit, mais armistice après la paix, pas avant. M. Witto a signé et il a bien fait Au point où en sont les négociations, il im porte assez pou du reste qu'il y ait ou non un armistice en règle. La guerre est suspendue, ou plutôt elle est finie. Ni l’un ni l’autre des belligérants n’aurait en ce moment la force morale suffisante pour engager une bataille. La réticence japonaise est bien conforme à leur mentalité. Us ont cru faire une conces si on nouvelle aux Russes et ils l’ont refusée comme une atteinte offensante à leur prestige militaire Ils veulent bien donner au maréchal Oyama, l’ordre de se tenir sur la défensive et de n’entre prendre aucune action militaire, mais ils refusent de signer aucun engagement avec leurs adversaires. Li paix signée, on se demande à quel usage pourra bien servir le protocole d’armistice. Toute paix comprend forcément un armistice puisque sans lui elle ne serait plus la paix. Ce sont des chinoiseries ; il faut los prendre par le bon côté et se contenter d’y voir un trait de couleur locale dans les affaires asiatiques qui se débattent. Il y a aussi de la mauvaise humeur dans le refus japonais de conclure un armistice selon les usages universels. On y voit combien l’âme japonaise reste froissée des conditions de la paix. Le gouvernement de Tokio vient de lever l’interdit sur los communications télé raphiquts et aussitôt c’est une tempête e colère et d’imprécations qui s'est répandue sur le monde. Tokio est morne, pas une lanterne aux fenêtres, pas une procession dans les rues, pas un seul ae ces cris strident s où éclataient un patriotisme triomphant et un orgueil assouvi. Le silence règne partout Les journaux seuls parlent : Le Jiji Chimpo dit que l’arrangement conclu ne peut pas donner satisfaction à la nation : le Mainichi dit que le fruit des victoires est perdu par la faiblesse des diploma tes ; le NichiNichi Chimboum ne com prend rien à de telles concessions ; le Y orozou Chimboum dit que la nation est humiliée et que le peuple doit adop ter une attitude énergique. Les diplomates qui sont à Ports nioutli se rendent compte de cette excitation nationale ; ils se montrent peu, se ca chent presque et s’attendent aux pires agressions. Ils se rappellent l’attentat commis jadis contre le comte Okouma, jugé par ses compatriotes trop faible vis à vis de l’étranger; l'un d’eux disait hier ; « Nous allons retourner au Japon: nous irons au devant des pierres, et peut-être de la dynamite. » Ni le comte Komoura, ni ses adjoints ne méritent de tels attentats. Leur rôle a consisté à répéter les ordres qu’ils recevaient ; ils n’ont été que des intermédiaires ; les lacunes relevées dès le premier jour dans leurs lettres de créance le marquent suffisamment. Cette tempête passera comme toutes les tempêtes, et, quand le calme sera revenu dans l’atmosphère, les Japonais regarderont avec une joie très vive l’immense étendue les avan tages territoriaux,économiques et poli tiques qu’ils ont conquis et qu’ils gar dent....

À propos

La Gazette est le tout premier journal français à paraître grâce au soutien du cardinal de Richelieu. Créée en 1631 par Théophraste Renaudot, qui s’était vu octroyer ce privilège du Roi Louis XIII, La Gazette était la seule publication habilitée à annoncer publiquement les nouvelles venant de l’étranger. Il s’agissait de l’organe quasi officiel du Conseil du Roi détenant le monopole de l’information diplomatique et parfois des affaires intérieures. D’abord hebdomadaire, il devient quotidien à compter de 1792.

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