Extrait du journal

A l’époque où j’habitais Florence avec ma chère fille d’adoption, Olga Herzen, j’ai vécu dans un cercle restreint, mais où la fréquentation d’hommes éminents, soit dans le domaine scientifique, comme le célèbre physiologiste Maurice Schiff, soit en littérature et en art, créait une atmosphère de pures jouissances intellectuelles et de noble enseignement. C’est là que je reçus un jour de Mme Wagner une lettre dans laquelle elle me parlait avec enthousiasme d’une brochure récemment parce ; l’auteur, y disait-elle en substance, s’appelait Frédéric Nietzsche ; il était recommandé par son maître, le professeur Ritschl de Leipzig, comme un homme qui joignait à des dons extraordinaires une maturité d’esprit bien supérieure à son âge, car il était devenu, à vingttrois ans, professeur ordinaire à l’Université de Bâle. Son travail, me disait encore Mme Wagner, ne témoignait pas seulement d’une rare connaissance de l’antiquité grecque, mais décelait une conception si géniale, si pénétrante de l’essence même de la pensée grecque, que l’on pouvait y pur-...