Extrait du journal

Aurons-nous du gibier cette année ? P’t-êt’ ben qu’ oui, p’t-êt’ ben qu’ non... A qui se fier? Tous les ans c’est la même antienne. Les chas seurs se plaignent que, pendant les mois de fermeture, les braconniers ont dévasté le ter ritoire. D’autre part les marchands ne sont pas, vous pensez, les derniers à propager le fâcheux bruit. Mais le public répond qu’il la connaît, que déjà, et très souvent, on la lui a faite; aux chasseurs il dit : « Vous voulez par avance ex pliquer les bredouilles »; aux marchands : « Je vous vois venir, vous méditez d’augmenter le prix de vos perdreaux et de vos lièvres ». Qui croire donc? J’ai pris le bon parti, j’ai inter rogé mon ami Paul Méguin, mon confrère de ! VEleveur. Et ainsi j’ai appris que le perdreau, qui nous * vient en grande partie de la Beauce et de la Brie, serait cette année-ci peu nombreux. Les couvées n’ont que médiocrement réussi, en raison du printemps pluvieux que nous avons eu. Dans certaines régions, en Seine-et-Marne, par exemple, les couvées sont encore fort jeunes et beaucoup ont été détruites ; aussi les perdreaux seront-ils, dès le début, plus chers que précédemment. Toutefois, la Bel gique, où la perdrix est abondante, promet d’importants arrivages. L’élevage du faisan n’a pas été très heureux cette année. S’il faut en croire les gardes des grandes propriétés, un bon quart a été détruit. Les faisans d’Angleterre qui sont loin de valoir les nôtres, les remplaceront. Pour la caille, qui nous vient en grande partie d’Egypte, on espère qu’elle ne nous manquera pas. On attend enfin beaucoup de lièvres de l’Est et beaucoup de lapins. Si, toutefois, les lièvres se faisa-'ent trop rares, l’Autriche-Hongrie, qui en fournit beaucoup et d’ailleurs excellents, comblerait les vides au besoin. Quant à ceux de Cologne ou du nord de l’Allemagne, ils sont en général mauvais. Tel est le pronostic. Mais, profitant de ce que j’avais Méguin sous la main, je lui ai demandé ce qu’il fallait penser du projet qui consiste à délivrer des tickets permettant de chasser pen dant un, deux, cinq, huit jours... Quelle serait la conséquence d’un pareil avantage donné à ceux de nos Nemrods que leurs affaires re tiennent, qui n’ont que de courtes, très cour tes vacances ? Je vois bien l’intérêt de l’Etat pour qui ce serait la plus-value des recettes, mois ne craint-on pas que le gibier, pourchassé davantage, ne vienne à disparaître ? — Cette crainte est vaine, me répond Paul Méguin. Ces chasseurs-là, qui prendraient des tickets, ne sont pas bien sérieux, et tes lièvres pourraient, s’ils n’avaient qu’eux d’ennemis, dormir bien tranquilles sur leurs longues oreilles. • Ce point élucidé , j’enregistre la nouvelle qu’une Ligue de cultivateurs vient de se cons tituer, dans la banlieue parisienne, pour met tre barrière autant qu’il se pourra, aux déprég dations de MM. les chasseurs. ils sont paraît-il, pour les terres, les récol:...