Extrait du journal
ne point dire : aimez, donnez, luttez — aimer, donner, lutter soi-même; ne point dire : allez au peuple — y aller; ne point dire : défendez la Patrie — la défendre. Mais comment? L’autre soir, un véritable orateur, doublé d’un croyant (peut-on avoir le Verbe quand on n’a pas la Foi?), un homme qui honore à la fois le Barreau de Lyon et tous les Barreaux de France, M. Jacquier, est venu indiquer à la Jeunesse parisienne P acte que réclame l’Heure présente. Le 8 mai prochain sera la fête de Jeanne d’Arc, notre sainte Pucelle, notre chrétienne et douce Walkyrie. De la fête de Jeanne faisons la Fête de la France. N’écrivons pas, ne par lons pas : agissons. Qu’à chaque fe nêtre un drapeau flotte. Le drapeau a changé : qu’importe? C’est toujours le drapeau de Jeanne, puisque c’est le drapeau de la Patrie. Glorifier Jeanne, c’est glorifier la France. La France n’a qu’une vraie statue : la statue de Jeanne d’Arc. Sur le front calme et pur de la Vierge libératrice resplendissent nos plus fiers et nos plus radieux atavis mes, comme dans l’affreuse grimace de Voltaire, l’agioteur, le bouffon de Frédéric, ricanent la Corruption, la Platitude et l’Esclavage. Jeanne ressemble à ces mères qui, arrachant à la mort leur créature, la créent une seconde fois. Leur baiser sauve l’enfant. Le baiser de Jeanne a sauvé la France. Jeanne, c’est la France, comme Jé sus est l’Humanité. Voilà ce que M. Jacquier est venu dire au Cercle du Luxembourg. Il avait pour auditoire un des plus géné reux, un des plus nombreux batail lons de l’armée de la jeunesse. Mille étudiants l’acclamaient. Ah! ces jeunes soldats, qu’électrise le nom de Jeanne, ne s’occupent guère de l’auteur de Nana et de Germinal. Leur regard se fixe ailleurs. A travers l’étendue des siècles, ils contemplent le bûcher où l’œuvre de la délivrance reçut sa consécration. Car, pour consacrer une grande œuvre, il faut un bûcher, un écha faud ou un pilori. L’Héroïsme n’a rempli sa tâche que lorsqu’il est devenu le Martyre. Les Bouddha de l’Inde — ces pâles images du Christ— quand leur Verbe triomphant avait prêché les multitu des, s’en allaient sur la montagne et cherchaient dans la Mort la su prême auréole. Avec Jésus, l’Egoïsme scélérat, l’In famie sociale, incarnés dans PoncePilate, dans les Scribes, les Phari siens, clouèrent sur la croix la défini tive synthèse de tous les sacrifices et de tous les rayonnements. Et Jeanne aussi fut une Martyre parce qu’elle fut une Envoyée du Ciel. Comme Jésus, dont le souffle emplis sait sa virginale poitrine, elle se nomme la Souffrance, le Renoncement, la Splendeur. Comme le Fils du Charpentier, elle sortit du Peuple, la sublime Pay sanne. Comme Jésus, elle fut la victime des Grands, des Repus, des Légistes, des Hontes officielles, des sociales Infa mies. Comme Jésus, dont, à l’heure du supplice, elle semble avoir respiré la Divinité, elle trouva, simple mortelle, ces naïves expansions dont les éton nantes formules chantent la vie de l’Au-Delà... Jeanne apparaît dans l’Histoire comme la transfiguration du Peuple. Du Peuple elle a les simplicités ro bustes, les superbes résignations. Du Peuple elle a la Foi agissante. Car il garde la Foi, le Peuple, sans le vouloir, sans le savoir, même le Peuple dévoyé par d’abominables co quins, môme le Peuple qui blasphè me, même le Peuple qui maudit. Allez dans les bas-fonds : au sein même des turpitudes, vous devinerez le germe des régénérations futures. Jeanne fut l’Extase; elle fut aussi l’Action. L’Action ! N’sst-elle pas le tout du Christianisme ? Quels sont les charlatans pour qui Dieu n’est qu’un joujou bon pour tromper les colères du Peuple, pour amuser ses lassitudes ? Quels sont les Menteurs qui préten dent que le Christ n’a prêché à la foule que l’inertie et que l’affaisse ment? Le Christ fut un Doux ; mais il fut aussi un Terrifile. Et certes, je la trouve splendide, la...
À propos
Fondée par le polémiste Édouard Drumont en 1892, La Libre Parole était un journal politique avançant des prétentions « socialistes », quoique son anticapitalisme populiste marqué se nourrissait essentiellement de liens présumés entre le capital et la communauté juive. Le journal répandait un antisémitisme virulent à travers de brutales diatribes et des unes sensationnalistes dénonçant quotidiennement des « conspirations ».
En savoir plus Données de classification - lebon
- spuller
- carnot
- zola
- d'hulst
- brunetière
- jacquier
- de baudry d'asson
- jean carrère
- victor hugo
- france
- panama
- cambodge
- temple
- paris
- samson
- chine
- montmartre
- estaing
- antilles
- parlement
- lebon
- etat
- a. n.
- la république