Extrait du journal
Comme il fallait s’y attendre, M. de Mun a prononcé à Reims un très éloquent discours. Le grand orateur a prouvé qu’il n’avait rien perdu des admirables facul tés qui l’avaient désigné comme le cham pion prédestiné des catholiques de France. Jamais plus qu’hier il ne plana sur les cimes; jamais il ne fut plus persuasif, plus entraînant, plus excitateur des no bles enthousiasmes, soit qu’il rappelât dans un magnifique langage la venue miraculeuse de la France de Clovis à la religion du Christ, soit qu’il exprimât avec des accents poignants la lutte de la France chrétienne d’aujourd’hui contre l’assaut furieux des sectes ennemies, lutte si âpre, si inégale en apparence et que Ton croirait parfois désespérée. L’orateur a eu de beaux cris de relève ment et d’espoir; il n’a pas reculé non plus devant des aveux d’une humilité touchante. J’ai vécu, a-t-il dit, dans cette tourmente, et j’ai fait ce que j'ai pu, sans chercher ja mais à m’y dérober, pour y orienter, avec moi, les hommes de mon temps. Mais, je le sais, nul ne peut espérer d’en dissiper l’orage, et je n’y prétends pas. C’est le destin fatal des époques où le passé s’enfuit du sol encore couvert de ses traces profondes, tandis que l’avenir s’avance, à travers les brouillards, d’un pas mal as suré. Mais l’avenir est inévitable et l’important pour nous c’est, quel qu’il soit, de l’accueil lir en chrétiens. Qui peut connaître le secret du lende main ? A quoi bon s’épuiser, pour le pré dire, en vaines dissertations ? A quoi bon l’éternelle lamentation sur le malheur des temps, comme si la France, comme si l’Eglise n’avaient pas connu des jours plus sombres, dont l’uno et l’autre sont sorties en resserrant le pacte de leur antique al liance, celle-là retrouvant sa vocation sur des chemins nouveaux, celle-ci poursuivant par des voies inattendues son immortelle destinée ! Où allons-nous? Nous allons où Dieu nous mène, et la question n’est pas de savoir où il nous conduit, ni par quels chemins, mais si, l’heure venue, il trouvera parmi nous des hommes préparés et des cœurs trempés, capables de correspondre aux desseins qu’il prépare. C’est la part de no tre liberté. « Nous allons où Dieu nous mène », a dit M. de Mun. Mais n’a-t-il pas trop ou blié, pour son compte, que Dieu ne nous aide que si nous nous aidons nous-mêmes, et que,pour aller où il veut nous conduire, il faut commencer par essayer de mar cher ? A un autre moment de son discours, il a exprimé la crainte que la Jeunesse ne s’abandonnât trop volontiers à ce fata lisme étrange qui est comme la maladie de notre fin de siècle, à cette inertie, à cette indifférence où Ton sent comme l’agonie d’une race épuisée. Il a cité ces vers de Verlaine d’une si expressive et si douce mélancolie : C’est bien la pire peine De ne savoir pourquoi Sans amour et sans haine, Mon cœur a tant de peine I C’est très beau, très touchant, très élo quent, très littéraire. Mais au lieu de pleurer ainsi sur la Jeunesse, l’orateur n’aurait-il pas eu quelques bonnes rai sons de pleurer sur lui-même, sur son passé, sur ce qu’il aurait pu faire et qu’il n’a pas fait. La Jeunesse, ô monsieur de Mun, pour quoi vous étonnez-vous qu’elle n’aille pas à la bataille quand des chefs tels que vous, les jours de danger, prétendent qu’ils n’ont plus de voix pour commander la charge ? Enfin, ne récriminons plus, puisque la voix est retrouvée î A. de Boisandré....
À propos
Fondée par le polémiste Édouard Drumont en 1892, La Libre Parole était un journal politique avançant des prétentions « socialistes », quoique son anticapitalisme populiste marqué se nourrissait essentiellement de liens présumés entre le capital et la communauté juive. Le journal répandait un antisémitisme virulent à travers de brutales diatribes et des unes sensationnalistes dénonçant quotidiennement des « conspirations ».
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