Extrait du journal
nable en droit, ainsi, du reste, qu’on l’a démontré ici. La justice française ne peut poursuivre Arton pour faits de corruption, puisque l’extradition n’a pas été accordée sur ce point, mais lord Salisbury 11e nous déclarerait certainement pas la guerre si, de sa propre volonté, l’agent de Reinach nous livrait le nom des chéquards. Le juge d’instruction, M. Espinas, paraît, au contraire, avoir joué làdedans un rôle fort honorable. Avec une loyauté qui n’est pas exempte d’habileté, il a donné à Arton les rai sons les plus convaincantes pour le décider à parler. C’est du moins la sensation que l’on éprouve en lisant le dialogue qui s’est engagé pendant l’instruction: Le juge. — Voulez-vous parler ? Arton. —Je n’ai pas à répondre. Le juge. — Votre attitude est dange reuse. Une partie du public est persua dée que les fonds remis à M. de Reinach ont servi à corrompre des députes. Un arrêt de contumace déclare que vous avez corrompu un député avec une partie de ces fonds. L’opinion pense que vous possédez des documents concernant les faits de corrup tion et que votre silence est acheté. En même temps, dans une certaine pu blication, vous avez laissé entendre que vous ne vouliez pas trahir ceux qui avaient confiance en vous. Quelques personnes, n'ajoutant pas foi à ces allégations, y voient une manœuvre nouvelle pour vous soustraire à l’action de la justice. Elles pensent qu'en réalité vous n’avez corrompu personne, que vous avez con servé par devers vous les fonds qui vous avaient été remis par le Panama, et que vous voulez faire croire vous que possédez desdocuinents, alors qu’en réalité vous 11’avez rien, et que ce prétendu mystère n’est qu’une comédie pour tromper le public et essayer de vous donner de l’impor tance. Arton. — Je suis surpris d’entendre ce langage dans votre bouche, alors que vous connaissez ma situation juridique. D. — Mais vous pouvez parler comme témoin ? R. — Je suis obligé de faire des réser ves sur l’équité et l’opportunité de votre argumentation. Je sais bien qu’Arton a prétendu que son avocat lui avait conseillé de ne pas parler. La chose est peut-être exacte, et cela prouverait qu’Arton, comme Magnier, comme tant d’autres, a été roulé par son avocat. Me Démangé a trop l’expérience des cours d’assises pour ne pas avoir com pris immédiatement que la seule chance qu’eût Arton de se tirer d’affaire était de dire la vérité. Imaginez Arton disant : « J’ai reçu près d’un million (93.4,000 francs) du baron Reinach : voilà les noms de ceux auxquels je l’ai distribué ». Il est clair que les méfaits qui lui étaient repro chés auraient été noyés un peu dans les méfaits des autres. Vous voyez le parti qu'un avocat éloquent aurait pu tirer de cette situa tion. « Sans doute, messieurs les jurés, mon client est coupable, mais que d’autres le sont aussi! Ce sont les mœurs du temps et vous ne pouvez faire supporter à un seul la responsa bilité d’un état général. Arton, après tout, n’est qu’un financier, un tripoteur d’affaires; les autres avaient reçu un mandat électif de leurs conci toyens, ils avaient des prétentions à l’estime publique. » Dans ces conditions-là, on aurait fait acquitter Papavoine. Si le Jury n’avait pas acquitté, il est indubitable qu’il aurait accordé à un accusé qui se serait confessé de toutes les fautes de sa vie, les circons tances atténuantes, qu’il a refusées avec infiniment de justice et d’énergie à un accusé qui s’obstinait à ne pas rendre compte de l’argent enlevé à de malheureux actionnaires. Le même fait, d’ailleurs, s’est pro duit pour Magnier, qui s’est cru malin comme Arton en se taisant. Nous avons loué le Jury de sa sévérité, tout en n’ayant pour Magnier que des senti ments de commisération, puisque nous avons été un des premiers à signer la pétition pour la libération condition nelle. En résumé, si Arton a dit vrai et si c’est son avocat qui l’a empêché de faire la lumière sur le Panama, Me Dé mangé a commis deux fautes graves. Il a trahi, en quelque manière, les intérêts du pays, car des députés qui sont capables de vendre leurs votes, constituent le plus redoutable des pé rils. -- ^ I...
À propos
Fondée par le polémiste Édouard Drumont en 1892, La Libre Parole était un journal politique avançant des prétentions « socialistes », quoique son anticapitalisme populiste marqué se nourrissait essentiellement de liens présumés entre le capital et la communauté juive. Le journal répandait un antisémitisme virulent à travers de brutales diatribes et des unes sensationnalistes dénonçant quotidiennement des « conspirations ».
En savoir plus Données de classification - cleiftie
- laroche
- fuzet
- defïès
- magnier
- barthou
- edouard drumont
- morès
- abdul-hamid
- hanotaux
- arton
- france
- angleterre
- nantes
- egypte
- marseille
- crète
- europe
- nancy
- panama
- parlement
- m. v