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17 mars 1936


Extrait du journal

Un aîné me l’avait dit autrefois : « Il y a ceux qui vivent et ceux qui se laissent vivre »... Et il me citait les vers célèbres que j’avais aussitôt inscrits sur un carnet : Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent. Ce sont Ceux dont un dessein ferme emplit l’âme et le front, Ceux qui d’jrn Haut destin gravissent l’âpre cime. Ceux qui marchent, pensifs, épris d'un but sublime. Ayant devant les yeux, sans cesse, nuit et jour, Ou quelque saint labeur ou quelque grand amour. Parmi les jeunes que je connais, j’ai cherché « ceux qui vivent »,ceux qui ont une personnalité agissante. Voici les résultats de cette inspection : Il y a le « polytechnicien » et le u central » qui, le dimanche matin, au petit jour, arrive dans sa morne banlieue pour faire le catéchisme aux gosses et les faire jouer... Il y a l'étu diant qui paresse jusqu’à midi et passe le reste du jour au cinéma ou dans la rue. 11 y a le comptable qui, le soir, étudie les Encycliques pour dominer un beau parleur de son bureau... Et il y a l’employé qui ressasse pen dant huit heures les potins sportifs dont il s’est empli avant d'arriver au bureau. 11 y a de jeunes paysans, « éveilleurs » de villages, qui sèment dans leurs champs pendant six jours et qui, le septième, sèment dans les âmes... Et il y a ceux qui, le dimanche, vont noyer en ville un cafard réfractaire. Il y a, dans ce grand magasin, la vendeuse qui soutient ses compagnes désemparées par les brimades et la muflerie de certains chefs... Et il y a celles qui sont prêtes à tous les esclavages, en commençant par le cinéma. Il y a le jeune homme qui visite les taudis et distribue des secours... Et il y a l’habitué des dancings et des bars. Il y a les jeunes emballés d’un homme et d'un parti .. Et il y a celui qui essaye d’abord de penser par lui-même. 11 y a le jeune ouvrier qui mène ses camarades au bien, et il y a celui qui est mené. Il y a le jeune homme qui nous écrit pour s'informer sur les films qui vont passer chez lui; et il y a celui qui se pose sur tout, comme les mouches... Il y a la jociste trésorière et mili tante de sa section, la cheftaine qui donne ses loisirs à 20 ou 30 louve teaux... Et il y a la jeune fille qui va flirter et danser ’ tous les di manches... ... Ceux qui vivent, ce sont ceux qui ajoutent, à la monotone tâche quotidienne, non pas le divertis sement abrutissant, mais quelque saint labeur ou quelque grand amour. Junior....
À la page (1930-1951)

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