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La Petite Gironde, 6 janvier 1896

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La Petite Gironde
6 janvier 1896


Extrait du journal

Un de me mes amis qui n’avait pas revu l’Alsace depuis quinze ans vient d’y faire une tournée qui l’a rempli en même temps de tristesse et de joie ; de tristesse, parce qu’il est impossible à un bon Français tel que lui de voir flotter le drapeau allemand sur cotte terre que tant de sou venirs communs nous rendent sacrée; et de joie, parce qu’il a trouvé l’esprit public presque entièrement transformé. Tout, en 188à, tournait à la germanisation ; au jourd’hui, au contraire, c’est la France qu’on regrette, c’est vers nous que se tournent tous les regards. Il explique ainsi ce revirement: Il y a deux peuples chez nos vainqueurs; le peuple allemand, qui est débonnaire, et le peuple prussien, qui est tout l’opposé. Les Allemands sont venus les premiers. Ils se sont fait supporter, et ils auraient réussi à la longue à se faire aimer. Puis, l’Alsace a été livrée aux Prussiens qui adminis trent admirablement et gouvernent mal, parce qu’ils sont hautains et impitoyables. Le régime prussien sert en réalité nos intérêts ; il rend tous les cœurs à la France. Ces pauvres exilés (mon ami leur donne à présent ce nom.) étaient très affligés et très effarés à son arrivée. Les révélations d’un journal parisien les mettaient aux abois. Quoi ! la France elle-même, l’an cienne, la chère patrie, était-elle livrée à ces escrocs, à ces loups-cerviers ? Nos législateurs en étaient-ils à vendre leur voix ? faisaient-ils métier et marchandise de l’autorité qu’ils tenaient du suffrage universel ? Cent quatre ! Il y en avait cent quatre ! Et rien ne garantissait qu’il n’y aurait pas de nouvelles révélations. Le Parlement était pourri : que pouvait-on espérer du corps de la nation ? Mon ami n’eut pas de peine à répondre. Qu’appelle-t-on des révélations ? p’abprd, /Vont -iMÎi^arétionR qu’il fallait dir» K»*» venaient ces indiscrétions ? Ce n’était pas de l’instruction, qui est au-dessus de toute suspicion. Ce n'était pas du prévenu. Le .prévenu s’était tu pendant des années; il n’avait aucune raison pour se départir à présent de son silence. Tout au contraire. Il se désarmerait en parlant. Il n’est pas possible do supposer qu’il ait attendu pour livrer son secret le moment précis où ce secret peut lui être utile. Si c’était lui qui parlât, il le dirait, il le crierait. Il ne dépo serait pas ainsi son trésor à la sourdine. Ce n’est pas une indiscrétion. C’est une invention. C’est une vengeance ou une réclame. C’est peut-être l’un et l’autre. Les journaux qui livrent leurs colonnes à ces listes de proscription ne disent pas d'où ils les tiennent. Ils devraient nommer leurs sources, étaler leurs preuves. Cette démonstration importe à leur honneur, et même à leur sécurité. Non. Ils comptent sur la crédulité publique. Voici les cent quatre complices. Ils ne disent pas non plus en quoi cette complicité consiste. Sont-ils sur cette liste pour de l’argent reçu ou pour de l’argent offert? Il y a quel que différence. Cet argent reçu ou offert avait-il pour but de payer des services cri minels ou des services avouables? Par exemple, tel avocat inscrit sur la liste n’aj vait-il pas reçu, au lieu d’un cadeau, des honoraires? En admettant que la liste ait été réelle ment trouvée dans quelque portefeuille ayant appartenu à Arton, ou chez quel qu’un de ses correspondants, qui nous ga rantit la fidélité du copiste? Ne peut-il pas avoir glissé quelque nom par un sentiment de vengeance? ou quelque nom inattendu et invraisemblable pour augmenter le scandale et en môme temps la publicité? Il y a sur cette liste des noms tellement honorables et tellement invraisemblables...

À propos

Au début simple déclinaison à prix modique du journal La Gironde, La Petite Gironde devient de plus en plus autonome à la fin des années 1880, lorsque sa diffusion dépasse – et de très loin – celle de son vaisseau-mère pour atteindre les 200 000 exemplaires à l'orée de 1914. Centriste modérée à l'origine, sa ligne éditorialse se droitise au fil des ans, jusqu'à devenir proche de celle de L'Action française dans l'agitation de la Première Guerre mondiale. Sans surprise, le journal sera collaborationniste en 1940, puis interdit en août 1944.

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