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La Petite Gironde, 14 février 1899

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La Petite Gironde
14 février 1899


Extrait du journal

ÉDITION DU MATIN W*r ■■ mm Après Je Vote. J’ai voté contre la loi de dessaisisse ment, et je persiste à croire quo le vote de cette loi a été regrettable. Mais je suis de ceux qui savent respecter l’opi nion d’autrui. Et, précisément parce que j'ai fait partie de la minorité, je n’en suis quo plus à l’aise pour constater le gros succès personnel qu’a remporté dans cotte séance M. le Président du conseil. Je crois qu’en tout état de cause la loi aurait été votée. Mais c’est à M. Charles Dupuy qu’est duc incontestablement la majorité considérable qui a consacré le projet du gouvernement. Il y aurait mémo à ce propos de curieuses réflexions â faire sur la façon dont a été conduite la discussion. Le président du conseil, qui est un esprit fort avisé, sentait bien que sur le terrain juridique il lui ôtait très difficile de manœuvrer à l’aise. l, expérience avait d’ailleurs été tentée par M. le Garde des sceaux, et l’on avait bien vu que, sur ce terrain, la Chambre se montrait un peu rétive. Aussi, M. Char les Dupuy, quand il prit la parole à son tour, ne s’embarrassa pas des questions de procédure ni même des questions de principe. Il n’avait pas prononcé trois phrases que la discussion se trouvait très sensiblement déplacée et que la ma jorité, si tant est qu’elle eût jamais hésité, se trouvait retournée comme un gant. Il faut être beau joueur dans les ba tailles et savoir reconnaître les mérites de l’adversaire. M. Dupuy, depuis qu’il est au pouvoir, a pris une très grande autorité sur la Chambre, et il la doit à la -façon très simple et très bon enfant dont il expose les questions les plus compli quées. Sa bonhomie no va pas, du reste, sans une petite pointe d’émotion qu’il sait traduire avec chaleur et avec élo quence. Mais cela ne l'empêche pas, quand il le faut, d'escamoter la difficulté, et dans la circonstance, notamment, il a été un merveilleux prestidigitateur. J’avais vu avant la séance un certain nombre de députés fort hésitants. C’est, en effet, le malheur de cette question qu’elle a pour un moment coupé en deux le parti répu blicain, et je suis, pour ma part, pour les questions qui rapprochent et non pas pour celles qui divisent. Je causais donc avec ces collègues, et l’un d’eux me disait : — Ce qui me tourmente, c’est la ques tion do droit : 11 faudra, pour me déci der, que le président du conseil me donne à cet égard des explications très précises. — Je crains, lui dis-je, que cela ne lui soit assez difficile. , — Dans ce cas, conclut-il, je ne voterai pas la loi. Pour moi, ce qui importe, c’est la question de droit et, A aucun prix, je no sortirai de là! Je revis ce collègue après le discours de M. Charles Dupuy : il était enthou siasmé. — Eh bien! me dit-il, que pensez-vous de ce discours là f — Je pense, répondis-je, que c’est un discours fort éloquent et fort habile, mais je crois qu’au point de vue du droit dont vous mo parliez tout A l’heure, il n’est pas tout à fait concluant. — Oh! le droit, le droit, interrompit le collésue, tout le monde l’expose à sa manière, et le président du conseil a donné, à mon avis, des raisons bien meilleures et plus décisives! Je ne pus m'empêcher de sourire en songeant à la conversation que nous avions eue l’instant d'auparavant ; mais comme je m’honore de n’étro pas un sectaire, je reconnus bien volontiers que c’était le droit du président du conseil de négliger les arguments qui pouvaient lui paraître un peu faibles, et do faire ressortir surtout ceux qu’il croyait lo plus utiles à sa cause. Cette tribune est un champ de bataille fort redoutable, et il faut admirer les manœuvriers qui sa vent y évoluer A point et qui reconnais sent le fort et le faible do l'adversaire. M. Charles Dupuy a eu cette qualitô-là, et il y aurait d’autant plus mauvaise grâce à la lui contester, qu’elle s’est tra duite par les résultats les plus apprécia bles. Non-seulement la Chambre a été retournée, mais des orateurs pourtant expérimentés comme M. Léon Bour-...

À propos

Au début simple déclinaison à prix modique du journal La Gironde, La Petite Gironde devient de plus en plus autonome à la fin des années 1880, lorsque sa diffusion dépasse – et de très loin – celle de son vaisseau-mère pour atteindre les 200 000 exemplaires à l'orée de 1914. Centriste modérée à l'origine, sa ligne éditorialse se droitise au fil des ans, jusqu'à devenir proche de celle de L'Action française dans l'agitation de la Première Guerre mondiale. Sans surprise, le journal sera collaborationniste en 1940, puis interdit en août 1944.

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