Extrait du journal

moment où, ses forces ôtant épuisées, elle se trou verait à leur merci. Elle atteignit ainsi la lisière du bois, à une cen taine de pas de l'habitation du garde ; mais la loge ôtait construite, comme nous le savons, sur un sol nu, découvert, et Christine, eu 1* traversant, ne pouvait manquer d’être aperçue. Cependant, il n’y avait pas à hésiter ; le loup et Jeannot la serraient du près, et elle croyait entendre par moments jus qu’au bruit de leur haleine. Il lui fallait donc déboucher dans la plaine, à la vue de ses deux formidables ennemis, qui pouvaient tenter un puissant et suprême effort Comme elle allait quitter le dernier bouquet de bois, le ciel vint à son secours. Une bouffée de vent s’engouffra dans la forêt dont toutes les branches se tordirent, dont tous les troncs craquèrent; une poussière épaisse, dos mousses, dos feuilles sèches furent élevées en l’air. Au même instant, des éclairs éblouissants sillonnè rent la nue, un coup de tonnerre ébranla la campa gne, et de larges gouttes commencèrent à fouetter le feuillage des châtaigniers. Cette subito perturbation de la nature devait frapper de stupeur toute créature vivante ; mais Christine, obéissant à l’instinct de la conservation, se lança en avant avec courage. Ballottée par la tempête, aveuglée par la pluie, ol!e gagna la mai son du garde, ouvrit brusquement la porte, qui n’é tait fermée qu’au loquet, et pénétra dans la loge avec un tourbillon de vent qui menaçait de renver ser cette vieille construction. Un cri d'effroi partit de l’intérieur; mais Christine ne s’eu inquiéta pas, et réunit toutes ses forces pour refermer la porte, que l’orage repoussait avec violence. Elle y parvint et put enfin se croire en sûreté dans la demeure et sous la protection de gens à ses gages....