Extrait du journal

Il y a des gens qui ont de la chance, et d’autres qui n’en ont point. Je n’ai jamais eu, pour ma part, grand sujet de me plain dre des voisins que m’a donnés le hasard de mes déménagements successifs. Cepen dant, je porte envie à ceux qui peuvent réa liser ce vœu du poète : Naître, vivre et mourir dans la mémo maison. Il est évident, en effet, que ceux-là ne sont pas embêtés par leurs voisins ; sans cela, ils feraient comme les camarades : nés dans une maison, ils iraieht vivre dans une autre, ou dans plusieurs autres successive ment ; par exemple, ils ne mourraient que dans une seule, car cette formalité ne s’ac complit pas deux fois. Mais je bats la campagne, et je suis un peu loin de mon sujet véritable. Je vous ai conté l’autre jour la mésaventure de cette aimable actrice parisienne qui de son sa lon, de sa salle à manger, de sa chambre à coucher, ne cessait d’entendre du matin au soir le bruit de coups frappés dans le mur ù l’aide d’outils fort pesants, et aussi le malheur de cet ancien magistrat d’Avignon qui, croyant setre logé dans une maison bien tranquille, avait pris un appartement au premier étage d’un immeuble dont le rez-de-chaussée était occupé par un bar où de joyeux viveurs faisaient toute la nuit une fête carabinée. J’ai le plaisir de vous annoncer aujourd’hui que l’actrice et le ma gistrat ont obtenu gain de cause auprès des juges, et qu’on a fait droit à leurs récla mations. Il y a donc des juges à Paris pour ce genre de griefs. Mais cela ne suffit point....