Extrait du journal

Ah! l’on m’y reprendra à célébrer d’avance les splendeurs’ du soleil et la douceur du printemps. On m’y reprendra à souhaiter pour les fêtes un ciel favo rable et une brise clémente : le mercredi 32 mars a été le jour le plus affreux d’une saison qui n’est pas autrement riante, et le lendemain, les malheureuses reines ont défilé enfermées sous les rideaux d’un auto-car ou dans le secret d’une limousine hermétique. , ' Personne ne peut avoir idée de la tristesse que peuvent faire naître des chars déparés, défilant dans des rues glacées. Les mousquetaires! lamentables sur leurs pauvres carcans, les pierrots transis, les farceurs au nez gelé renon çaient à créer une joie factice; ils pous saient les chevaux pour arriver plus tôt au but, en finir avec cette mascarade lu gubre pour laquelle on avait dépensé beaucoup d’ingéniosité, beaucoup de temps et beaucoup d’argent. D’ailleurs, n’allez pas supposer que cette cava'cade . s’est déroulée devant quelques rares badauds : le froid pointu et le vent qui soufflait n’ont pas décidé les Parisiens à rester chez eux; boulevard Saint-Germain, trente rangs de specta teurs se pressaient sur chaque trottoir; quant aux grands boulevards, ils étaient encombrés d’une telle foule que des fem mes s’y trouvèrent mal et des enfants faillirent être écrasés. Et l’on a jeté des confetti, comme si ces petits ronds de papier ne coûtaient rien 1 Pour un franc, on en avait cent grammes à peu près, ce qui n’est guère à une époque où l’on a pris l’habitude d’employer les munitions sans compter. Nés contemporains, qui se plaignent de tout, se sont à peine plaints de la ^cherté des- rondelles; on marchait sur un tapis multicolore dont l’épaisseur dépassait dix Centimètres, et minuit sonnait que d’infatigables plaisantins achetaient aux marchands leurs derniers kilos. Cependant, les reines, réchauffées, par ticipaient A un banquet. La reine des Cor ses avait refusé de s’enfermer dans une voiture bien close : elle était demeurée, rqalgré les frimas, sur son train en carton [ tandis que la reine des forains, à cheval J devait connaître l’affreux supplice des) pieds gelés Mais la chaleur du bahauefe fut telle que, vers dix heures, une jeuoè reine se trouva passablement énervée, .et...