Extrait du journal

fermeté, ils avaient en leur jeunesse, ils avaient eu surtout la présence au milieu d’eux de l’enfant de Clémentine; petit être charmant, joyeux, adoré, un ange, qu’on sortait, quand on était triste, de son ber ceau, et qu’on se passait de main en main pour se réjouir les yeux et le cœur. Et c’étaient des baisers sans fin, des jalousies sans nombre pour le garder plus longtemps sur les genoux. On lui apprenait à parler, a sourire, à chanter, à danser, à faire mille petites grimaces délicieuses. Quand il était là, on oubliait le froid qui glace les carreaux, la faim qui glace Je cœur, la note du boulanger, celle du bou cher, le loyer à payer, — ce redoutable loyer! On devenait insouciant comme lui des misères et des douleurs de la vie. On l’admirait marchant avec ses jolis petits pieds mignons et roses sur les touches du piano, et faisant partit comme des fu«ées des notes bruyantes qui l'étonnaient et lui remplissaient la bouche de cris naifs, le regard de sourires effrayés. Et comme on l’applaudissait s’il laissait tomber un verre et le brisait ! Comme on l’admirait quand il s’endor* niait au beau milieu de la table, sa tête sur l’épaule Je Campagnol, la main dans celle 1 de son père ! On n’osait pas bouger de peur 1 de rompre son sommeil. Pendant deux heures, trois heures, toute...