Extrait du journal

C’est à dix heures quarante-huit minutes exactement, ne l’oubliez pas, mesdames et messieurs, que la représentation commen cera ; tant pis pour ceux qui arriveront en retard à leur fenêtre ; l’heure du rideau est assurée à une seconde près, car les deux acteurs qui se produisent ici devant le pu blic parisien n'attendront pas que M. Bigourdan les aille relancer dans leur loge. Vos places sont retenues, au moins ? Vous avez bien choisi ? Tout le monde a son fauteuil d’orchestre sur la bonne ran gée que la Petite République définissait hier : rappelez-vous les numéros des pre mières loges, de Marly à Ermont ; il y en a pour un chacun, et c'est partout gratis, location sans augmentation de prix. Maintenant, que personne n'oublie sa lorgnette ; un bout de carreau fumé à la flamme d’une bougie, un vieux cliché pho tographique voilé suffiront, voire un seau d’eau, où le phénomène se déroulera par réflexion; ceux d’entre vous qui « payants » incorrigibles, éprouveront le besoin de faire des frais, pourront s’offrir un lor gnon de cinquante centimes et un cornet de caramels mous. Mais surtout, soyons exacts : l’heure la plus militaire n’est rien à côté de l’heure céleste ; donc, commencement de l’éclipse 10 h. 48 m. 59 s. ; comble de l’éclipse, 12 h. 10 m. 37 s. ; fin de l’éclipse, 1 h. 32 m. 54 s. Mais la fin n’est pas intéressante ; qui n'aura vu que cela n’aura rien vu ; qui verra le commencement n’aura pas vu grand’chose : ce qu’il faudra voir, c’est le beau milieu ; cela durera tout juste deux secondes, mais quelles ! Deux secondes comme pas un Parisien n’en reverra d’ici le 11 août 1999. L’occasion est à saisir ; en 1999, nous n’aurons plus, hélas 1 nos yeux de vingt ans....