Extrait du journal

Ce fut la première caractéristique déjà pas gaie de ce premier mai où le ciel luimême semblait s'être mis contre nous. Il y en "a une seconde, plus triste encore. Elle fut donnée par des manifestations qui. tous comptes faits, n'atteignirent pas les proportions d'une émeute. Deux grands chefs furent bousculés et blessés heureuse ment sans gravité. S'il ne s'était agi que de vulgaires ouvriers, on aurait vite passé condamnation, mais il ne faut pas plus tou cher aux caciques du socialisme qu'à la Reine. Ne sont-ils pas les rois du jour et presque les « maîtres de la guerre »■ Et voilà comment on proclame ce matin que le gouvernement a « voulu sa jour née ». C'est beaucoup dire. Si ce langage du reste est naturel de la part de cèux qui estiment qu'on doit agiter le peuple : avant de s'en servir, il détone dans la bouche de ces bourgeois qui pro clament qulil n'y aurait rien eu si le gou vernement avait tout permis. Nous connaissons cette antienne. La fête passée, avec quelques bagarres regretta bles mais sans conséquences, on se montre très fier devant un danger qu'on n'a pas couru précisément parce qu'on a été gar dé. Mais s'il n'y avait pas eu de mesures d'ordre et si la formation d'immenses foules inconscientes et aveugles avait été tolérée, croit-on que, de ces foyers, la flam me de l'incendie n'aurait pas pu surgir. Mon Dieu, l'armée est faite pour une autre besogne, c'est vrai, mais à qui la faute, sinon à ceux qui obligent à l'em ployer- de la sorte. Et puis, rien de ce qui assure l'ordre, c'est-à-dire la vie du pays, n'est indigne de soldats qui restent en de hors de nos conflits politiques et économi ques. Les poilus hier n'ont pris parti ni pour ni contre la journée de huit heures ils ont tout simplement empêché de tuer les gens ou de démolir les magasins^ Com bien de.ceux qui haussent les épaules de vant les « mesures prises » qui auraient poussé les hauts cris si les mesures n'ayant pas été prises, ils avaient souffert, dans leur personne ou dans leurs biens. À En somme, sauf un malheureux revol vérisé par un manifestant, il n'y a pas eu grand mal hier ; mais faisons attention et ne recommençons pas souvent l'exercice. ALCESTE....