Extrait du journal
d’une tout autre manière. Nous ne parlons pas ici de sa popula rité indubitable selon nous, mais contestable selon le ministère , nous la mettons hors de cause et nous laissons de côté aussi tout le caractère politique de l’acte. En dehors de cela . nous trou verons le motif de la manière dont la conduite de Madame est appréciée , motif valable au tribunal de toutes les opinions , admissible par tous les partis. Nous sommes dans le pays du courage, il a son culte en France, le peuple des braves est un digne appréciateur et un bon juge en matière de bravoure ; il l’admire partout où il la trouve ; il la comprend parce qu’il en donne l’exemple ; et s’il lui rendit de tout temps justice, même chez un ennemi, comment ne l’admirerait-il pas chez une Française et chez une femme ? Oui, il y a du courage au fonds de faction de Madame , quelque juge ment politique qu’on veuille en porter, et c’est ce courage qui séduit et subjugue quiconque porte un cœur français. Les gens du ministère peuvent à loisir énumérer toutes les difficultés de l’entreprise . toute l’impuissance des moyens, toute la témérité de l’attaque ; ils ne voient pas qu’ils révèlent ce qu’il faudrait taire , et que c’est le côté par où Madame brille qu'ils essaient d’attaquer. Depuis assez de mois, Dieu merci, on nous étouffe de précautions, on nous assassine de prudence ; laissez, laisseznous, de grâce, admirer un acte de courage ; laissez-nous voir à notre aise un peu d’audace et de témérité . ne fut-ce que pour nous raffralchir le cœur et pour nous empêcher d oublier toutà-fait que nous sommes Français. Voilà, en un mot, le secret de l’opinion de la France. Qu’on affecte maintenant de répéter jusqu’à satiété que la duchesse de Berry a péché par hardiesse,quel’art des précautions lui a manqué, qu’elle est coupable d’audace, d'intré pidité , de témérité ; ce sont des crimes qui trouveront de nom breux complices dans la patrie de l’héroisme. Beau défaut, défaut héroïque que la témérité , et plus national cent fois que la pru dence, qualité dont , chez l’inerte milieu , la perfectibilité des cend jusqu’à la peur ! Ainsi , Madame la duchesse de Berry est téméraire, elle est française jusqu’à avoir les défauts de la France , et vous , vous êtes prudens, hommes du milieu, qualité peu française, mais , enfin , c’est la vôtre. Madame la duchesse de Berry ne disposait d’aucune force , ne pouvait compter sur aucune ( mettons le parti royaliste au néant , si cela vous arrange), Madame la duchesse de Berry n’avait rien, et vous aviez tout : nos armées , nos trésors , nos flottes , votre police , car ce n’est point celle de la France ; et avec ce peu de moyens, ou plutôt avec cette absence de moyens contre cette immensité de ressources, Madame la duchesse de Berry a tout osé concevoir , et elle a osé tenter ce qu’elle avait conçu. Dites maintenant, est-ce là la marque d’une âme commune ou d’un faible caractère ? N’est-ce rien que celte haulear d’un courage qui se prise si haut qu’il espère combler le déficit des ressources , et vaincre à lui seul les obstacles qui semblent invincibles à votre confiante pusillanimité? Oli! de grâce , ne prenez plus maintenant un ton de voix si éclatant, une attitude si fière; votre victoire parait bien petite auprès de celte défaite , cette infortune si liante doit mettre la rougeur sur le front de votre prospérité. Par pitié pour vous-mêmes,hommes à la politique efféminée, un peu plus de respect pour cette femme d’une audace virile; si vous ne voulez pas exciter la risée, ne parlez plus de lui donner des leçons, parlez d’en recevoir ; elle a montré qu’elle était ca pable de vous donner des leçons de courage „• vous ne pourriez, vous, que lui en donner de couardise , et celles-là seraient stéri les : les docteurs ès-peur ne feraient rien d’une pareille écolière. Mais ici une pensée se présente qui sera celle de la Fran ce. Oublions Marseille, ses troubles, et la frêle embarcation du Charles-Albert. Hommes du milieu , mettez un instant en idée à votre place celte femme que vous insultez . et livrez les ressources que vous avez et qui lui manquent, au courage qui ne lui manque pas. Croyez-vous que ce fier caractère qui, seul, sans autre appui que son énergie, sans autre allié que quelques épées , sans autre patrimoine que sa royale indi gence , vient vous défier , vous, qui avez tout , tandis que lui n’a rien , croyez-vous que si ce fier caractère disposait de ces finances immenses que vous dilapidez , de cette belle et glorieuse armée que vous tenez l’arme au bras , croyez-vous que si la royale aventurière du Charles Albert était ce que vous êtes , nous serions comme aujourd’hui la fable et la risée.de l'Europe ? Croyez-vous de bonne foi que cette témérité qui vient chercher le péril, apprenant à reculer devant lui, on osât nous chasser d’Ancône, et que la diplomatie se permit de tracer sur la carte ces lignes insolentes de frontière,qui ne font autorité que là où, pour les biffer, il ne se trouve point une épée? La question est siinpleet précise, et si vous voulez continuer la discussion, il faudra y répondre, songez-y bien.Ce n’est qu'une supposition, il est vrai, mais tout le monde peut la faire, tout le monde la fera, et vous êtes intéressés à ne pas laisser croire que cette supposition soit pouryous une accusation et un arrêt. 11 s’agit de savoir ce que ferait la du chesse de Berry avec la France, ses trésors, ses armées, sa fortune, sa gloire,toutes choses dont vous disposez et dont vous ne faites rien. Il s’agit de savoir si tant de ressources gaspillées par vos mains tremblantes et pusillanimes , auraient une autre influence dans ces mains que vous reconnaissez si fermes et si audacieuses. Il s’agit de savoir si en laissant le même courage , ce courage aventurier comme vous le nommez, et en lui donnant la France pour second dans sus aventures, vous ne retrouveriez point sur la carte d’Europe notre place si grande naguère et qui grâce à vous s’amoindrit de jour en jour....
À propos
Publié d’abord sous le nom La Quotidienne en 1792, ce journal royaliste est l’organe principal de Joseph-François Michaud. Historien des croisades, ce dernier est d'abord républicain, puis devient royaliste par hostilité à la Convention. Ces revirements firent changer le journal de nom plusieurs fois durant la Révolution, l’Empire et la Restauration avant de retrouver, en 1814, son titre initial. En 1815, le journal devient la Feuille du jour.
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